Le Royaume-Uni a annoncé, jeudi 6 mai, qu’il avait rappelé les deux patrouilleurs de sa flotte, après que les dizaines de bateaux de pêche français qui s’étaient rassemblés aux abords de Jersey ont levé l’ancre. Ces derniers réclament le droit de pêcher dans les eaux poissonneuses de l’île, sur fond de dispute post-Brexit entre Paris et Londres.
« Nous sommes ravis que les bateaux de pêche français aient désormais quitté les abords de Jersey », a déclaré Downing Street dans un communiqué. « La situation étant résolue pour le moment, les patrouilleurs de la Royal Navy se préparent à rentrer au port au Royaume-Uni ».
Ce jeudi, au large des côtes de l’île anglo-normande de Jersey, ce sont entre 50 et 70 navires normands et bretons qui ont ainsi protesté, dans le calme et sous la surveillance de la Royal Navy, contre les conditions de pêche imposées aux marins français après le Brexit, avant de regagner leurs ports respectifs aux alentours de 14 heures, ainsi qu’a pu le constater un photographe de l’AFP. En début de matinée, quelques fumigènes avaient été allumés.
A quelques milles de là, deux navires de la Royal Navy, le HMS Severn et le HMS Tamar, avaient été déployés, afin de « surveiller la situation », selon un porte-parole du ministère de la défense britannique, qui évoque « une mesure strictement préventive, en accord avec le gouvernement de Jersey ».
Deux patrouilleurs français ont également été envoyés aux abords de Jersey, en vue d’éventuelles opérations de secours en mer. Les pêcheurs français étaient partis dans la nuit depuis les côtes normande et bretonne. « C’est incroyable d’avoir réussi à réunir tout ce monde-là », s’est réjoui Camille Lécureuil, venu de Carteret (Manche), évoquant « au moins 70 bateaux ».
Après s’être approchés de l’entrée du port de Saint-Hélier, la capitale de Jersey, les pêcheurs se sont écartés pour laisser passer un cargo à destination de Guernesey. « Les consignes de ne pas bloquer l’intérieur du port [ont été] suivies », a précisé une source militaire française. Le ministre des affaires étrangères de l’île, Ian Gorst, a lui aussi évoqué une manifestation « pacifique » au micro de la BBC.
« Le politique doit prendre le relais »
Après une rencontre avec un ministre de Jersey, les pêcheurs ont finalement pris la route du retour. Les responsables de l’île « ne veulent rien savoir », a lâché Ludovic Lazaro, un pêcheur de Granville (Manche). « Maintenant, c’est à terre que ça va se discuter », a-t-il dit. « La démonstration de force est faite. C’est le politique qui doit prendre le relais », a renchéri Dimitri Rogoff, président du comité régional des pêches de Normandie.
Le Royaume-Uni a publié vendredi dernier une liste de 41 navires français (sur 344 demandes), lesquels ont été autorisés à pêcher dans les eaux de Jersey, selon Paris. Mais cette liste s’accompagne de nouvelles exigences, « qui n’ont pas été concertées, discutées ni notifiées avant » dans le cadre de l’accord sur le Brexit, en vigueur depuis le 1exp janvier.
Le premier ministre, Boris Johnson, « a réitéré son soutien indéfectible à Jersey », tandis que le gouvernement français a insisté pour une « une application rapide et complète de l’accord. Rien que l’accord, et tout l’accord » prévu pour régler la question de l’accès des pêcheurs français aux eaux jersiaises (et autres) après le Brexit, selon le secrétaire d’état aux affaires européennes, Clément Beaune.
Pour M. Rogoff, ce n’est pas aux pêcheurs « d’aller faire un blocus de Jersey pour obtenir ce qu’ils veulent ». « Maintenant, si on n’obtient pas gain de cause, il faut que la ministre coupe la lumière. »
« Discussion et diplomatie »
Mardi, la ministre française de la mer, Annick Girardin, avait affirmé que la France était prête à recourir à des « mesures de rétorsion » si les autorités britanniques continuaient à restreindre l’accès des pêcheurs français aux eaux de Jersey, faisant allusion à des répercussions éventuelles sur le « transport d’électricité par câble sous-marin » qui alimente l’île depuis la France.
Jeudi, elle a enfoncé le clou : « Je souhaite que les autorités britanniques reviennent sur leur décision » d’assortir de nouvelles restrictions d’accès aux licences délivrées aux pêcheurs français.
Du côté des autorités de Jersey, l’heure était à l’apaisement. « La réponse à ces problèmes est sans aucun doute la discussion et la diplomatie », a souligné le ministre Ian Gorst. « Un bateau qui pêchait l’année dernière à Jersey (…) peut pêcher cette année », a assuré un peu plus tôt sur France Inter Gregory Guida, ministre assistant de l’environnement et des affaires étrangères de Jersey.
« Ce que nous sommes prêts à faire, c’est discuter directement avec les pêcheurs. Ils ont tous notre numéro », a-t-il ajouté. Actuellement, les demandes de licences de pêche doivent passer par les gouvernements français et britannique et par la commission européenne. « On est passés par une énorme bureaucratie alors que, dans la pratique, on se connaît tous. On s’appelle par nos prénoms. C’est vraiment triste qu’on en soit arrivés là », a regretté M. Guida.
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