Ukraine : Kiev évoque un coup d'Etat et un projet d'invasion fomenté par Moscou
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a évoqué ce vendredi un projet de coup d'Etat pour mercredi prochain, en sus d'un scénario d'invasion militaire à l'horizon de janvier par la Russie, contre laquelle l'armée ukrainienne est « prête ».
Par Yves Bourdillon
Un coup d'Etat et une guerre en prime. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a évoqué ce vendredi un projet de coup d'Etat, en sus d'un risque d'invasion militaire par la Russie à l'horizon de début 2022.
Il a affirmé, lors d'une conférence de presse, disposer d'enregistrements audio de ses services de renseignements évoquant un putsch censé se dérouler mercredi et jeudi prochain à Kiev, et impliquant un oligarque, Rinat Akhmetov. Il a toutefois dit ne pas croire en un tel scénario, car ce serait pour l'homme le plus riche d'Ukraine une « très grave erreur ».
Une offensive possible sur trois fronts
Il n'a pas accusé nommément Moscou d'être impliqué dans ce projet présumé. Le Kremlin a néanmoins nié toute implication éventuelle.
Le chef de l'Etat ukrainien s'est montré plus disert sur le risque d'invasion par l'armée russe, qui préoccupe depuis une dizaine de jours ses responsables militaires, ainsi que les dirigeants de l'Alliance atlantique. Des informations, partagées avec leurs alliés européens et Kiev par les services de renseignements américains lundi dernier, montrent le déploiement ces dernières semaines non loin de la frontière orientale de l'Ukraine d'une cinquantaine de bataillons tactiques russes, un dispositif militaire suffisant pour une invasion rapide, avec blindés, avions, missiles Iskander en Crimée et une flotte évaluée à 80 navires en mer d'Azov et mer Noire.
Le chef des renseignements militaires ukrainiens Kyrylo Boudanov, a déclaré dimanche dernier que la Russie avait massé près de 92.000 soldats, anticipant une offensive fin janvier ou début février. Cette offensive pourrait impliquer des frappes aériennes et d'artillerie, suivie d'assauts aéroportés et amphibies, notamment contre le port clé de Marioupol. Une autre offensive russe, plus petite, pourrait partir de la Biélorussie voisine, voire de la Crimée, a soutenu Kyrlyo Boudanov auprès du média américain « Military Times ».
L'implication discrète de Washington
« Nous contrôlons pleinement nos frontières et sommes prêts à faire face à toute escalade », a ajouté vendredi le président ukrainien, qui a précisé : « nous devons compter sur nous-même, sur notre armée, elle est puissante », après avoir été interrogé sur une implication éventuelle et directe de l'Occident. L'armée ukrainienne, d'une faiblesse insigne lors de l'offensive éclair en 2014 de commandos russes sur sa péninsule de Crimée, annexée ensuite par Moscou, s'est depuis considérablement modernisée. Elle bénéficie de l'aide la plus importante des Etats-Unis de par le monde, derrière l'Egypte et Israël, à raison de 250 à 400 millions de dollars par an.
Washington a fourni récemment des missiles antichars Javelin et deux patrouilleurs. Le Royaume-Uni aide aussi à la modernisation de la flotte ukrainienne. La Turquie a fourni des drones, armes en passe de révolutionner l'art de la guerre comme l'a montré leur efficacité redoutable contre les batteries antiaériennes et les blindés arméniens lors du conflit avec l'Azerbaïdjan il y a un an. Kiev dépense 5,95 % de son PIB pour sa défense, un des ratios les plus élevés de la planète.
« Si vis pacem para bellum »
Le ministre des Affaires étrangères de l'Ukraine, Dmytro Kuleba, a estimé jeudi lors d'une rencontre organisée par l'Institut français des relations internationales, que la meilleure dissuasion envers Vladimir Poutine et le moyen de préserver la paix était « la détermination des Ukrainiens et le soutien de leurs partenaires occidentaux ».
Moscou et Kiev se rejettent la responsabilité de la montée des tensions, faisant craindre que le conflit de longue date entre l'Ukraine et les séparatistes armés et financés par le Kremlin dans la région du Donbass ne dégénère en un nouveau conflit ouvert. La guerre dans cette région a fait 13.000 morts depuis 2014. Moscou accuse Kiev de provocations et l'Alliance atlantique du déploiement secret de troupes en Ukraine, ce que l'OTAN dément.
Kiev se dit prêt à adhérer à l'OTAN, démarche insupportable aux yeux du Kremlin, mais l'Alliance atlantique n'a jamais vraiment encouragé l'entrée de l'Ukraine en raison des particularités historiques et culturelles de ce pays à cheval entre le monde européen et le monde russe.
Le dernier épisode de tension entre Moscou et l'OTAN remonte à avril dernier quand, sous prétexte de manoeuvres, le Kremlin avait soudainement massé plusieurs divisions aux frontières de l'Ukraine. Le Kremlin avait ensuite annoncé le retrait de ses troupes. Mais tout le matériel est resté déployé sur place…
Yves Bourdillon