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Ukraine: le président propose au leader de l'opposition le poste de Premier ministre

Viktor Ianoukovitch s'est également dit prêt à une révision de la Constitution. Des annonces qui interviennent alors que la tension est de nouveau montée entre manifestants et forces de l'ordre. La contestation prend de l'ampleur hors de la capitale.
par AFP
publié le 25 janvier 2014 à 12h04
(mis à jour le 25 janvier 2014 à 18h35)

Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch a proposé samedi aux chefs de l’opposition Arséni Iatseniouk et Vitali Klitschko de diriger le gouvernement, et s’est dit prêt à une révision de la Constitution pour réduire ses pouvoirs, a annoncé la présidence dans un communiqué.

Arséni Iatséniouk, chef du parti de l’opposante emprisonnée Ioulia Timochenko, s’est vu proposer le poste de Premier ministre et l’ex-boxeur Vitali Klitschko celui de vice-Premier ministre chargé des Affaires humanitaires, a précisé la présidence après des négociations menées à la présidence.

La présidence, citant le conseiller du président Andriï Portnov, a précisé que Ianoukovitch avait accepté la création d'un groupe de travail chargé de «modifier la législation sur les référendums et peut-être, via ce mécanisme, de proposer des amendements à la Constitution».

ViIanoukovitch a reçu les principaux leaders de l’opposition pendant environ trois heures après un regain de tension à Kiev entre manifestants et forces de l’ordre et alors que la contestation s’étend en Ukraine.

L’opposition est mobilisée depuis plus de deux mois dans le centre de Kiev, à la suite du refus du président de signer un accord avec l’Union européenne, y préférant un rapprochement avec la Russie.

La contestation s'est radicalisée la semaine dernière avec l'adoption de lois controversées prévoyant des peines plus sévères, allant jusqu'à la prison ferme, pour les manifestants. Viktor Ianoukovitch a aussi promis de revenir sur ces lois et de négocier avec l'opposition pour trouver un «compromis sur ces lois», a précisé la présidence.

Plus tôt dans la journée, le ministre de l'Intérieur avait affirmé que l'opposition avait perdu le contrôle du mouvement, tenu par des radicaux, qu'il accuses d'avoir stocké des armes, et sommé les manifestants de rentrer chez eux. «Laissez les radicaux, (...) et partez dans un endroit sûr», a demandé Vitali Zakhartchenko dans un communiqué, expliquant que deux policiers avaient été séquestrés par des militants de l'opposition puis libérés avec des traces de «torture». «Tous ceux qui resteront sur Maïdan (la place de l'Indépendance, ndlr) et dans les bâtiments occupés seront considérés comme des membres de groupes extrémistes», a-t-il ajouté, mettant en garde contre un possible recours à la force. Vitali Zakhartchenko, dont le départ fait partie des principales revendications du mouvement, avait auparavant jugé «vaines» les tentatives de trouver une solution pacifique à la crise.

Le parti de Ioulia Timochenko, Batkivchtchina, a affirmé disposer d’informations indiquant que Viktor Ianoukovitch s’apprêtait à décréter l’état d’urgence et à évacuer l’opposition, barricadée sur la place de l’Indépendance et dans certaines rues voisines.

Suggérant cependant l'existence de fractures au sein du parti au pouvoir, Rinat Akhmetov, l'homme le plus riche d'Ukraine et proche du président, a dénoncé comme «inacceptable» le recours à la force. «Il ne peut y avoir qu'une solution à la crise politique, une solution pacifique», a insisté le milliardaire, originaire comme Viktor Ianoukovitch de Donetsk, ville industrielle de l'Est russophone du pays, longtemps considéré comme le principal bailleur de fonds du Parti des régions. Selon le site Ukraïnska Pravda, le chef de l'Etat a convoqué samedi une réunion d'urgence de sa formation politique.

Echauffourées à Kiev

Le bilan officiel des affrontements a atteint samedi trois morts avec le décès à l’hôpital d’un homme de 45 ans. Selon le parti d’opposition Svoboda, il avait été blessé par balles à la poitrine mercredi. L’opposition fait état de son côté de six morts.

Après près de deux jours d'accalmie, la tension est de nouveau montée dans la nuit de vendredi à samedi rue Grouchevski à Kiev, théâtre de scènes de guérilla urbaine cette semaine. Les manifestants ont lancé des cocktails Molotov et des pavés en direction des policiers antiémeute, qui ont répliqué avec des grenades assourdissantes et des balles en caoutchouc.

L’annonce par Viktor Ianoukovitch pour la semaine prochaine d’un remaniement ministériel et d’amendements aux nouvelles lois anticontestation n’a pas convaincu les manifestants mobilisés depuis plus de deux mois.

Le mouvement s’étend

Hors de Kiev, les administrations de la plupart des régions de l’Ouest, ukrainophone et tourné vers l’Europe, sont occupées par des milliers de manifestants qui réclament le départ des gouverneurs nommés par le président. Fait nouveau samedi, ce mouvement s’est propagé à d’autres régions du Nord (Tcherniguiv) et de l’Est (Poltava).

A Donetsk, fief de Viktor Ianoukovitch dans le bassin minier du Donbass (est) où le président bénéficie d’une importante base électorale, des manifestations de soutien au président ont en revanche eu lieu ces derniers jours.

Viktor Ianoukovitch doit aussi composer avec une intense activité diplomatique de l’Union européenne, qui a demandé samedi des «gestes concrets» pour un retour au calme. La situation en Ukraine doit être samedi au centre d’une rencontre à Varsovie entre le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, avec le président polonais Bronislaw Komorowski. Le chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, est attendue à Kiev les 30 et 31 janvier. D’ici là, mardi, un sommet doit réunir l’UE et la Russie, que les Européens accusent d’avoir usé de son influence pour convaincre Kiev de renoncer à un accord d’association avec Bruxelles, décision à l’origine de la contestation actuelle.

C’est après un entretien vendredi avec le commissaire européen à l’Elargissement Stefan Füle que Viktor Ianoukovitch a annoncé une série de concessions.

Des manifestations de soutien à l’opposition ukrainienne ont eu lieu samedi dans plusieurs capitales européennes, notamment Paris, Varsovie, Vilnius, Riga, Prague et Londres.

Le mouvement, né de la volte-face en novembre du pouvoir ayant refusé de signer un accord d’association avec l’UE pour se tourner vers la Russie, s’est considérablement radicalisé la semaine dernière après le vote de lois punissant de peines de prison fermes les manifestants.

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