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Le député LREM Ludovic Mendes : "On devait instaurer une filière française du CBD, aujourd'hui on la freine"

Le gouvernement a pris un arrêté le 30 décembre dernier interdisant la vente et la consommation de fleurs et de feuilles de chanvre contenant du cannabidiol (CBD). Deux tiers du chiffre d'affaires du secteur reposent sur ces produits. 

Mathilde Durand , Mis à jour le
Le député LREM Ludovic Mendes, en 2018 à l'Assemblée nationale.
Le député LREM Ludovic Mendes, en 2018 à l'Assemblée nationale. © AFP

C'est un arrêté qui a surpris la filière française du CBD . Le 30 décembre, le gouvernement a publié de nouvelles règles pour préciser les conditions de culture et d'importation de cette plante, tout en proscrivant la vente et la consommation de fleurs de chanvre contenant du cannabidiol (CBD). Cette molécule fait partie des cannabinoïdes présents dans le chanvre, ou cannabis, mais n'a pas d'effet stupéfiant contrairement au THC. Une décision qui va représenter un vrai manque à gagner pour les syndicats professionnels qui estiment le chiffre d'affaires du secteur à environ un milliard d'euros, dont les deux tiers proviennent de la vente de ces produits bruts.

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La filière a saisi le Conseil d'Etat, dont la décision de suspendre ou non l'arrêté, devrait être connue dans la semaine. La justice européenne avait déjà estimé en novembre 2020 que le CBD n'avait "aucun effet nocif sur la santé" et ne pouvait être considéré comme un stupéfiant, à la différence du cannabis, fortement dosé en THC, molécule psychotrope et illégale. Et la Cour de cassation avait indiqué en juin que tout CBD légalement produit au sein de l'Union européenne pouvait être vendu en France. Cette nouvelle bataille judiciaire est un enjeu majeur pour développer tout un secteur en France : début 2021 il existait quelque 400 boutiques de CBD, mais désormais elles sont presque quatre fois plus. Le député La République en marche de Moselle Ludovic Mendes, rapporteur d'une mission parlementaire sur le sujet en février dernier et mobilisé sur les enjeux autour du cannabis, regrette un "frein" pour la filière et un "manque de volonté politique". 

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Le gouvernement a pris un arrêté interdisant la vente et la consommation de feuilles et de fleurs de chanvre, que pensez vous de cette décision? Avez-vous été concerté?
Nous n'avons pas été concertés. Et lors de la parution de l'arrêté, j'ai trouvé ça ubuesque. On avait enfin une avancée réglementaire sur le CBD, autorisé à la vente, à la production et à la transformation. Tout était validé, sauf la vente de fleurs et de feuilles séchées brutes. C'est dommage car cela représente environ 50% du marché aujourd'hui. On était censé mettre en place une véritable filière française, l'accompagner, en faire une filière d'excellence et aujourd'hui on la freine, puisque la grande majorité du produit qu'elle vend n'est pas exploitable en l'état.

La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) énonce plusieurs arguments pour expliquer cette décision, principalement le risque sanitaire de fumer ces fleurs et la difficulté pour les forces de l'ordre de s'assurer qu'elles restent en dessous du taux légal de 0,3% de THC, qu'en pensez vous?
Dans ces cas-là, interdisons la cigarette! C'est une fausse excuse : il y a plusieurs moyens de consommer aujourd'hui le CBD et tout le monde ne le fume pas. Certains en font des tisanes, d'autres l'utilisent comme un encens… il y a des formes d'utilisation sans tabac. La seule raison qui vaille, c'est la peur que, pendant les contrôles de police, les agents ne soient pas en capacité de faire de la différence entre un produit illégal ou non. Il suffirait d'acheter un système, reconnu internationalement, qui permet de faire le test en l'espace de deux minutes pour déterminer si le taux de THC du produit est inférieur ou supérieur au taux légal autorisé en France. Il y a des possibilités de faire, c'est juste un manque de volonté politique car on craint d'ouvrir un débat sur le cannabis récréatif. Tout le travail que nous avions fait n'a pas été retenu lors de la rédaction de ce décret.

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Ce décret ne bénéficie en aucun cas à la filière française, que ce soit à la production, la transformation ou à la revente

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Soutenez-vous les professionnels du CBD qui ont décidé de se lancer dans une bataille juridique, à commencer par un recours devant le Conseil d'Etat?
Tout à fait. Le 7 janvier, le Conseil constitutionnel a rendu un avis (il a précisé les critères de définition d'un produit stupéfiant estimant que les produits à base de CBD, y compris la fleur, n'entrent pas dans le champ de cette définition, ndlr), c'est désormais repoussé au Conseil d'Etat et il y aura encore des procédures au niveau de la Cour de justice de l'Union européenne... C'est dommage et inadapté à ce que nous voulions faire au départ : mettre en place une filière adaptée, protéger les entrepreneurs et les agriculteurs et protéger les consommateurs. Nous ne faisons ni l'un, ni l'autre : la personne qui veut consommer de la fleur brute séchée ira l'acheter ailleurs. Ce décret ne bénéficie en aucun cas à la filière française, que ce soit à la production, à la transformation ou à la revente.

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Mais où est cette garantie de santé publique si aujourd'hui les consommateurs achètent des fleurs ou des feuilles sur internet?

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En février dernier, les conclusions du rapport parlementaire que vous portiez allaient en faveur d'un assouplissement de la réglementation autour du CBD, évoquant notamment l'argument économique. Comment cela va se passer pour le secteur désormais avec ce durcissement?
Cela va être difficile, avec plus de 50% du marché qui disparaît. Espérons que le client va se rabattre sur les huiles ou les tisanes. Mais je crains plutôt qu'il n'aille sur internet acheter les produits qui ne seront pas à la vente dans les boutiques françaises. Si l'on revient sur le volet de la santé publique, dans notre rapport il est bien précisé que nous ne voulons pas de vente réservée aux bureaux de tabac, par exemple, pour éviter la consommation croisée. Nous avons pris cette problématique en considération. Mais où est cette garantie de santé publique si aujourd'hui les consommateurs achètent des fleurs ou des feuilles sur internet, venus de pays dont on ne connaît pas vraiment la capacité de mettre en place une traçabilité sur les produits? C'est l'un des débats que nous avons sur le cannabis récréatif aujourd'hui. Pour des raisons de santé publique, il faut réfléchir à une légalisation et un encadrement.

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