frontispice

Professionnels de l’occupation
temporaire, nouveaux acteurs
de la fabrique de la ville ?
Du renouvellement des méthodes en urbanisme
à l’émergence de nouveaux métiers

• Sommaire du no 8

Juliette Pinard LATTS, université Paris Est Hélène Morteau IRCAV, université Paris 3

Professionnels de l’occupation temporaire, nouveaux acteurs de la fabrique de la ville ? Du renouvellement des méthodes en urbanisme à l’émergence de nouveaux métiers, Riurba no 8, juillet 2019.
URL : https://www.riurba.review/article/08-acteurs/nouveaux/
Article publié le 1er juil. 2019

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Juliette Pinard, Hélène Morteau
Article publié le 1er juil. 2019
  • Abstract
  • Résumé

Temporary use professionals

This paper focuses on the emergence and structuring of a new category of professionals, dedicated to the development, management and animation of temporary places. The development of this new professional field is linked to the growing enthusiasm of traditional actors of urban planning and development for temporary urbanism. It is explained by the arrival of new comers in the urban production system, bringing new visions and methods for the transformation of the city. The professionalization of these operators contributes to the constitution of a new profession. However, because of the diversity of their professional trajectories, the structuring of this field is not done without clashes or tensions. In fact these operators do not carry the same representations, the same ambitions and the same ways of acting.

Cette contribution porte sur l’émergence et la structuration d’une nouvelle catégorie de professionnels, dédiée au développement, à la gestion et à l’animation de lieux temporaires. Le développement de ce nouveau milieu professionnel est à mettre en lien avec l’engouement croissant des acteurs classiques de l’urbanisme et de l’aménagement pour la pratique de l’urbanisme temporaire, ainsi qu’avec l’arrivée de nouveaux entrants dans le système de production urbaine, porteurs de nouvelles visions et méthodes de transformation de la ville. La professionnalisation de ces opérateurs participe à la constitution d’un nouveau métier. Toutefois, en raison de la diversité de leurs trajectoires professionnelles, la structuration de ce milieu ne se fait pas sans heurts ni tensions, tous ces opérateurs ne portant pas les mêmes représentations, les mêmes ambitions, ni les mêmes modes d’action.

Cet encadré technique n’est affiché que pour les administrateurs
post->ID de l’article : 3347 • Résumé en_US : 3366 • Résumé fr_FR : 3363 •

Introduction

Depuis à peine une dizaine d’années, on voit fleurir chaque saison en France, et particulièrement dans le Grand Paris, de nouveaux projets d’occupation temporaire. Lieux de fête, de création, de travail, d’hébergement d’urgence ou encore d’expérimentation urbaine, les fonctions de ces espaces sont extrêmement diverses et transforment de manière temporaire d’anciens sites industriels, équipements publics, immeubles de bureaux ou de logements, espaces souterrains et délaissés urbains. Souvent fortement médiatisés, ces lieux fascinent tant pour leur programmation que pour leur esthétique et sont régulièrement célébrés comme les derniers lieux à la mode : Les Grands Voisins, La Station Gare des Mines, le 6B, Ground Control et bien d’autres sont passés sur le devant de la scène. En effet, le développement de ces lieux temporaires connaît un engouement particulièrement fort de la part des acteurs publics et privés de la production urbaine, avec près de 77 projets réalisés ou en cours depuis 2012 (IAU, 2018[1]IAU, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme. (2018). « L’urbanisme transitoire, optimisation foncière ou fabrication urbaine partagée », Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la région Ile-de-France, 106 p.). Collectivités, grands propriétaires, aménageurs et promoteurs mobilisent de manière croissante ces usages temporaires, profitant souvent du temps de latence des sites en mutation induit par le temps long des projets urbains. La multiplication de ces usages temporaires dans des opérations de transformation urbaine s’accompagne de la mobilisation croissante des termes d’« urbanisme temporaire » et d’« urbanisme transitoire », par les professionnels de l’urbanisme et de l’immobilier, les collectivités, les institutions et les opérateurs de ces lieux temporaires. Le terme d’urbanisme temporaire insiste sur la dimension non pérenne de ces usages et du rôle des logiques évènementielles et ludiques dans la production de la ville (Bonnemaison, 1990[2]Bonnemaison S. (1990). « City Policies and Cyclical Events », Design Quarterly, Celebrations: Urban Spaces Transformed, no 147, p. 24‑32. ; Burgel, 1993[3]Burgel G. (1993). La ville aujourd’hui, Paris, Hachette, 220 p. ; Schuster, 2001[4]Schuster JM. (2001). « Ephemera, temporary urbanism and imaging », dans Vale LJ, Bass Warner S (dir.), Imaging the City. Continuing Struggles and New Directions, New Brunswick, New Jersey, CUPR Books. ; Chaudoir, 2007[5]Chaudoir P. (2007). « La ville événementielle : temps de l’éphémère et espace festif », Géocarrefour, n° 82(3) [En ligne ; Gravari-Barbas, Jacquot 2007[6]Gravari-Barbas M, Jacquot S. (2007). « L’événement, outil de légitimation de projets urbains : l’instrumentalisation des espaces et des temporalités événementiels à Lille et Gênes », Géocarrefour, n° 82(3) [En ligne ; Gwiazdzinski, 2009[7]Gwiazdzinski L. (2009). « Chronotopies. L’événementiel et l’éphémère dans la ville des 24 heures », Bulletin de l’Association des géographes français, no 3, p. 345‑357. ; Monnet, 2012[8]Monnet J. (2012). « Ville et loisirs : les usages de l’espace public », Historiens et géographes, no 419, p. 201‑213. ; Matthey, 2016[9]Matthey L. (2016). « Sous les pavés, la plage ! L’urbanisme au risque des loisirs », Les Cahiers de l’ASPAN, n° 2, p. 4‑7.). Ces manifestations temporaires et ludiques tendent ainsi à devenir de nouveaux outils d’action des pouvoirs publics favorisant la transformation physique et symbolique des espaces urbains (Pradel, 2010[10]Pradel B. (2010). « Rendez-vous en ville ! Urbanisme temporaire et urbanité évènementielle : les nouveaux rythmes collectifs », thèse de doctorat, université Paris-Est [En ligne ; 2012[11]Pradel B. (2012). « L’urbanisme temporaire : signifier les “espaces-enjeux” pour réédifier la ville », dans Espaces de vie, espaces-enjeux: entre investissements ordinaires et mobilisations politiques, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 245‑256 [En ligne ; 2007[12]Pradel B. (2007). « Mettre en scène et mettre en intrigue : un urbanisme festif des espaces publics », Géocarrefour, n° 82(3), p. 123 130 [En ligne). Le terme plus récent d’urbanisme transitoire (surtout mobilisé depuis 2015) désigne les projets temporaires développés sur des sites faisant l’objet d’un projet urbain, dont les travaux n’ont pas encore débuté. L’occupation temporaire devient alors un moyen d’accompagner la transition entre l’état initial d’un site (vacance, sous-utilisation, abandon) et son état final (nouveau quartier, bâtiment, équipement, etc.). L’ambition associée à l’urbanisme transitoire est d’engager la transformation d’un lieu en attente de mutation et de préfigurer les usages futurs d’une opération d’urbanisme en testant de nouveaux usages en amont.

La rhétorique sur l’urbanisme temporaire et l’urbanisme transitoire se construit en partie grâce à une multiplication des publications sur ces thèmes dans la presse généraliste et spécialisée. La production de plusieurs rapports, par l’institut d’aménagement de la région Ile-de-France en 2017 et 2018, et par l’Atelier parisien d’urbanisme en 2018, témoigne de la reconnaissance institutionnelle croissante du phénomène. En 2018, l’exposition du pavillon français de la biennale d’architecture de Venise, intitulée « Lieux infinis » présente plusieurs de ces lieux temporaires consacrant l’engouement des professionnels de la fabrique de la ville pour ces pratiques urbaines. Derrière le phénomène de mode qui entoure aujourd’hui ces lieux, qui sont les acteurs à l’origine et en charge de ces projets ? De quelle manière participent-ils à un renouvellement des méthodes en urbanisme et à une évolution de ce milieu professionnel ?

Photos 1 à 4. Panel de lieux d’occupation temporaire en Ile-de-France ; la Halle Papin à Pantin (1), Ground Control à Paris (2), Villa Mais d’ici à Aubervilliers (3), La Station à Paris (4) (source : auteures).

L’objet de cette contribution est de présenter et d’analyser le processus de professionnalisation de nouveaux acteurs de l’occupation temporaire, conduisant à la constitution d’un nouveau milieu professionnel et à l’émergence de nouveaux entrants dans le champ de l’urbanisme.

La professionnalisation des acteurs de l’occupation temporaire a déjà été évoquée pour les cas de l’Allemagne, à travers la création de bureaux d’études spécialisés comme Urban Catalyst ou Raumlabor (Dubeaux, 2017[13]Dubeaux S. (2017). « Les utilisations intermédiaires des espaces vacants dans les villes en décroissance, transfert et transférabilité entre l’Allemagne et la France », thèse de doctorat en géographie et aménagement, université de recherche Paris Sciences et Lettres, PSL Research University.). Au Royaume-Uni, de nombreuses structures comme Meanwhile Fondation se sont déjà saisies du phénomène de vacance comme opportunité immobilière et économique pour développer des usages temporaires (Madanipour, 2017[14]Madanipour A. (2017). « Temporary use of space: Urban processes between flexibility, opportunity and precarity ». Urban Studies, n° 55(5), p. 1093‑1110 [En ligne). En comparaison, la formation de ce milieu professionnel en France a été encore peu étudiée.

Dans cet article, nous analyserons la structuration d’un nouveau champ professionnel associé à l’occupation temporaire, reposant sur un double processus. Tout d’abord, l’existence d’un contexte politique, institutionnel et économique particulièrement favorable joue un rôle direct dans le développement de l’occupation temporaire. En parallèle, plusieurs opérateurs issus de milieux professionnels variés émergent et se positionnent dans ce domaine en tant que nouveau champ d’activité professionnel. Nous montrerons la manière dont ces opérateurs, historiques ou récents, se revendiquent comme de nouveaux acteurs de l’urbain, proposant de nouvelles démarches et visions sortant des modes de conception classique de l’urbanisme et de l’aménagement, les rapprochant ainsi de la figure de « l’entrepreneur de méthode » telle que conceptualisée par Arab et Vivant (2018[15]Arab N, Vivant E. (2018). « L’innovation de méthodes en urbanisme : freins et leviers d’une entreprise incertaine », Cahiers de la recherche architecturale, urbaine et paysagère, 18 p. [En ligne).

Plus largement, cet article vise à expliciter la manière dont la structuration de l’urbanisme temporaire et transitoire comme nouveau champ des pratiques urbaines accompagne et participe directement à la professionnalisation de ces opérateurs. Par ailleurs, le rôle de plus en plus important de ces « intermédiaires » dans le système de production urbaine questionne leur participation à l’émergence d’un nouveau marché lié à l’occupation temporaire des espaces vacants.

Cet article se positionne dans le contexte actuel d’une recomposition du champ professionnel de l’urbanisme, se traduisant par la quête d’une reconnaissance des métiers de l’urbain (Girault, 2016[16]Girault M. (2016). « L’urbanisme comme nouveau corporatisme. Analyse des discours des associations professionnelles », Cybergeo. European Journal of Geography, Les métiers de la ville [En ligne) et par l’émergence de nouvelles structures se revendiquant comme professionnelles de la fabrique de la ville. Le développement de logiques de plus en plus concurrentielles entre ces professionnels, au sein d’un marché du travail réglementé, conduit à l’émergence de nouvelles formes de corporatismes entourant les métiers historiques de l’urbanisme (ibid.). Face à ces acteurs classiques de la production urbaine, la tendance est à l’émergence de nouveaux entrants captant ce marché des métiers de l’urbain, conduisant à une concurrence accrue entre opérateurs historiques et récents (Nonjon, 2005[17]Nonjon M. (2005). « Professionnels de la participation : savoir gérer son image militante », Politix, n° 70(2), p. 89‑112. [En ligne). Cette tendance s’observe, par exemple, dans le secteur de la participation citoyenne, où les acteurs professionnels au profil militant se sont récemment retrouvés en concurrence d’autres profils issus de la communication, du marketing, de l’architecture ou de l’urbanisme. Le marqueur « militant » devient alors un critère différenciant dans l’accès à la commande publique et valorise un « militantisme d’expertise » (ibid.).

Cet article s’appuie sur deux recherches en cours dans le périmètre du Grand Paris. La première porte sur l’appropriation de l’urbanisme transitoire par les acteurs de l’urbanisme et de l’immobilier dans le Grand Paris, et la seconde sur la trajectoire des lieux alternatifs dans le nord-est parisien. Il repose sur la réalisation d’une vingtaine d’entretiens semi-directifs et de nombreux échanges informels auprès de gestionnaires de lieux culturels alternatifs, de collectifs et d’entreprises ayant développé une nouvelle activité professionnelle en lien avec l’occupation temporaire d’espaces vacants. Ces acteurs ont été sélectionnés afin d’obtenir un panel représentatif entre structures historiques et nouveaux entrants dans le champ de l’occupation temporaire, acteurs associatifs ou structures plus entrepreneuriales. Ils ont été choisis au sein de plusieurs champs professionnels, celui de l’art et de la culture (Collectif Mu, Mains d’œuvres, 6b, Wonder, Villa Mais d’Ici), de l’évènementiel (Soukmachine), du débit de boissons (Allo La Lune, Sinny & Ooko), de l’urbanisme et de l’immobilier (Plateau Urbain, La Belle Friche, Ancoats), de l’architecture et de l’animation du territoire (Yes We camp). Ces entretiens ont été couplés à la participation à plusieurs évènements publics et professionnels dédiés à l’occupation temporaire. Cette enquête s’est déroulée entre 2016 et 2019 et a permis de suivre la structuration progressive de ces nouveaux professionnels, leurs méthodes et leurs démarches. Le recours à l’anonymisation des personnes interrogées et de leurs structures au sein de l’article répond à des questions de confidentialité des informations recueillies. Ce choix s’explique également par la volonté de ne pas nuire au développement de ces structures ou de susciter des tensions entre elles en citant les auteurs des verbatim. En conséquence, les personnes interrogées seront désignées par leur poste et par le type de structure auquel elles appartiennent.

L’émergence et la structuration
d’un nouveau milieu professionnel
dans le champ de l’occupation temporaire

L’occupation temporaire, d’une pratique alternative
à une pratique professionnelle

Le développement de lieux d’occupation temporaire repose sur des pratiques anciennes, que l’on peut qualifier d’alternatives ou off (Vivant, 2007[18]Vivant E. (2007). « Les événements off : de la résistance à la mise en scène de la ville créative », Géocarrefour, n° 82(3), p. 131‑40 [En ligne ; Colomb, 2012[19]Colomb C. (2012). « Pushing the urban frontier: Temporary uses of space, city marketing, and the creative city discourse in 2000s Berlin », Journal of Urban Affairs, n° 34(2), p.131‑152 [En ligne). Le rôle croissant joué par ces usages temporaires dans la transformation urbaine trouve un écho au sein de la littérature académique, où de nombreux chercheurs, en France et dans le monde anglo-saxon, se sont intéressés à la question de l’utilisation temporaire (temporary use) (Haydn et Temel, 2006[20]Haydn F, Temel R. (2006). Temporary urban spaces: concepts for the use of city spaces, Bâle, Birkhauser Verlag, 272 p. ; Tardiveau et Mallo, 2014[21]Tardiveau A, Mallo D. (2014). « Unpacking and challenging habitus: An approach to temporary urbanism as a socially engaged practice », Journal of Urban Design, n° 19(4), p. 456‑472 [En ligne ; Németh et Langhorst, 2014[22]Nemeth J, Langhorst J. (2014). « Rethinking urban transformation: Temporary uses for vacant land », Cities, n° 40, p.143‑150 [En ligne ; Madanipour, 2017[23] Op. cit. ; Henneberry, 2017[24]Henneberry J. (2017). Transience and Permanence in Urban Development, Hoboken, John Wiley & Sons, 280 p. ; Martin, 2018[25]Martin M. (2018). « The characteristics and extent of temporary development in England’s core cities », Economic and Social Research Council, North West Social Science Doctoral Training Partnership.), ou intermédiaire (meanwhile ou interim use) (Blumner, 2006[26]Blumner N. (2006). « Planning for the unplanned: tools and techniques for interim use in Germany and the United States », Occasional Papers, Berlin, Deutsches Institut fur Urbanistik. ; Till, 2011[27]Till KE. (2011). « Interim use at a former death strip? Art, politics, and urbanism at Skulpturenpark Berlin Zentrum », dans Silberman M, The German Wall: Fallout in Europe, Studies in European Culture and History, New York, Palgrave Macmillan US, p. 99‑122 [En ligne ; Andres, 2013[28]Andres L. (2013). « L’interim, le temporaire et la veille comme enjeux d’une ville réversible et éminemment mutable », Villes, territoires, réversibilités, Centre culturel international de Cerisy-La-Salle, Paris, Hermann, p. 49‑62.; Kamvasinou et Roberts, 2014[29]Kamvasinou K, Roberts M. (2014). « Interim spaces: vacant land, creativity and innovation in the context of uncertainty », dans Mariani M, Barron P, Terrain vague : interstices at the edge of the pale, London, Routledge, p. 187‑200. ; Colomb, 2017[30]Colomb C. (2017). « The trajectory of Berlin’s “interim spaces”: Tensions and conflicts in the mobilisation of “temporary uses” of urban space in local economic development », dans Henneberry J, Transience and Permanence in Urban Development, p. 131‑49, Hoboken, John Wiley & Sons Ltd [En ligne ; Dubeaux, 2017[31] Op. cit.) des espaces vacants ou inutilisés.

De fait, dès les années 2000, plusieurs auteurs interpellent déjà les professionnels de l’urbanisme sur le rôle de ces usages temporaires dans la transformation des espaces urbains, en tant qu’outil d’un urbanisme plus dynamique, flexible et adaptatif, non plus centré sur le temps long de la planification urbaine (Schuster, 2001[32] Op. cit. ; Haydn et Temel, 2006[33] Op. cit. ; Bishop et Williams, 2012[34]Bishop P, Williams L. (2012). The Temporary City, London, Routledge. ; Oswalt et al., 2013[35]Oswalt PK, Overmeyer K, Misselwitz P. (2013). Urban Catalyst: The Power of Temporary Use, Berlin, DOM Publishers, 2e éd.). Envisagés comme un élément de réponse aux crises que connaît la ville contemporaine (Bishop et Williams, 2012[36] Op. cit. ; Andres, 2013[37] Op. cit. ; Tonkiss, 2013[38]Tonkiss F. (2013). « Austerity urbanism and the makeshift city », City, n° 17(3), p. 312‑24 [En ligne ; Németh et Langhorst, 2014[39] Op. cit.) et instruments d’action des villes en décroissance (Dubeaux, 2017[40] Op. cit.), plusieurs acteurs prônent ces interventions temporaires comme instruments d’une forme de militantisme urbain. Le développement d’actions d’urbanisme tactique (Lydon, 2011[41]Lydon M. (2011). Tactical Urbanism, Short-Term Action, Long-Term Change. Vol. 1. New York, The Street Plans Collaborative. ; Douay et Prévot, 2016[42]Douay N, Prévot M. (2016). « Circulation d’un modèle urbain “alternatif” ? Le cas de l’urbanisme tactique et de sa réception à Paris », EchoGéo, no 36. [En ligne) comme alternative aux instruments traditionnels de la fabrique de la ville (Levy et Soubeyran, 2018[43]Levy L, Soubeyran O. (2018). « L’improvisation vue comme trajectoire synergique. Un éclairage sur la fabrique alternative de la ville », dans D’Arienzo R, Younès C, Synergies urbaines: pour un métabolisme collectif des villes, Genève, Métispresses, p. 67‑88.) ou encore de « DIY Urbanism » (pour Do It Yourself)(Iveson, 2013[44]Iveson K. (2013). « Cities within the city: Do-it-yourself urbanism and the right to the city », ResearchGate, n° 37(3) [En ligne ; Douglas, 2014[45]Douglas G. (2014). « Do-it-yourself urban design: The social practice of informal “improvement” through unauthorized alteration », City & Community, n° 13(1), p. 5-25. ; Finn, 2014[46]Finn Donovan. (2014). « DIY urbanism: implications for cities », Journal of Urbanism: International Research on Placemaking and Urban Sustainability, n° 7(4), p. 381‑398.) révèle les processus bottom-up et revendicatifs parfois associés à des actions temporaires et ponctuelles dans l’espace public. Cette nouvelle forme d’urbanisme, qui questionne la place des usagers dans la production urbaine, est envisagée par plusieurs de ces auteurs et par les instigateurs de ces usages temporaires comme le support d’une manifestation du droit à la ville, tel que théorisé par Henri Lefebvre en 1968[47]Lefebvre H. (2009). Le droit à la ville, Paris, Économica, 135 p..

D’une pratique à l’origine alternative, militante et/ou citoyenne, l’occupation temporaire connaît un processus de professionnalisation de ses acteurs depuis les années 2000 à Paris (Dumont et Vivant, 2017[48]Dumont M, Vivant E. (2017). « Du squat au marché public : trajectoire de professionnalisation des opérateurs de lieux artistiques off », Réseaux, no 200, p. 181‑208.). La tendance à la professionnalisation de ces « activistes » va de pair avec une coopération croissante de ces acteurs avec les pouvoirs publics (Douay et Prévot, 2016[49] Op. cit.). Toutefois, l’intérêt particulièrement fort pour la pratique de l’occupation temporaire depuis 2015 et le phénomène de mode qui l’entoure désormais s’accompagnent de l’arrivée de nouveaux entrants, issus de trajectoires professionnelles variées.

Un contexte favorable
au développement de l’occupation temporaire
comme nouveau champ des pratiques urbaines

L’essor des projets d’occupation temporaire et le processus de professionnalisation qui l’accompagne sont liés à un faisceau de facteurs politiques, économiques et institutionnels.

Les temps de latence induits par le temps long des projets d’aménagement sont de plus en plus fréquemment mis à profit, dans une logique de gestion active du foncier et comme un levier de préfiguration du projet final. En parallèle, le développement de ces occupations temporaires est à rapprocher d’une demande croissante en lieux de travail, de culture ou de loisirs abordables pour des jeunes actifs et des précaires, particulièrement dans le contexte parisien de pression immobilière. Cette demande vient aussi du grand public, qui montre une forte appétence pour ces lieux. Cet attrait naît en partie de la mobilisation d’une esthétique off, participant à la mise en scène de ces lieux temporaires en tant qu’espaces alternatifs et lieux d’une expérience singulière (Pinard et Vivant, 2017[50]Pinard J, Vivant E. (2017). « La mise en évènement de l’occupation temporaire : quand les lieux artistiques off inspirent les opérateurs in de la production urbaine », L’Observatoire, no 50, p. 29‑32. [En ligne]. Disponible sur : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01563844). Les collectivités portent elles-mêmes un intérêt croissant pour ces usages temporaires comme moyen « d’humaniser » la transformation des villes[51]Appel à manifestation d’intérêt de la région Ile-de-France pour le dispositif régional de soutien aux initiatives d’urbanisme transitoire, règlement d’intervention, p. 3., dans le contexte actuel de réflexion sur le renouvellement des pratiques de concertation et d’implication citoyenne formulées par la puissance publique.

Le développement de ces opérations s’inscrit également dans le contexte d’injonction croissante à l’innovation au sein des politiques urbaines (Arab, 2014[52]Arab N. (2014). « L’urbanisme et l’innovation », mémoire d’habilitation à diriger des recherches, vol. 2. Université Paris-Est.), renforcé par le développement des appels à projets urbains innovants (Béhar et al., 2018[53]Behar D, Bellanger E, Delpirou A. (2018). « La production urbaine en chantier : héritages, enjeux et perspectives des appels à projets innovants », Métropolitiques [En ligne). Cette injonction conduit les opérateurs de ces projets urbains à rechercher des concepts nouveaux et attractifs. L’urbanisme temporaire et transitoire y joue un rôle incontestable, en atteste l’intégration de ce type de projets dans les propositions des groupements immobiliers en réponse aux grands appels à projets urbains innovants (Réinventer Paris, Inventons la métropole du Grand Paris, etc.). Il en résulte une demande croissante pour ce type d’usages, contribuant de manière directe à leur multiplication et à la professionnalisation de ses acteurs. Enfin, la multiplication de ces projets d’occupation temporaire doit être comprise au regard de l’austérité actuelle des politiques publiques (Douay et Prévot, 2016[54] Op. cit.) et de la nécessité de trouver d’autres montages (opérations public/privé/mécénat) à l’échelle des projets urbains et d’autres relais dans l’animation et le développement des territoires. La forte baisse des subventions publiques conduit les porteurs de ces projets temporaires à trouver d’autres manières de financer le développement de ces lieux.

Ces facteurs conduisent au développement d’une commande publique et privée liée à l’urbanisme temporaire ou transitoire, via la mise à disposition de lieux et la recherche d’opérateurs pour les gérer et les animer. L’intérêt croissant des acteurs classiques de l’urbanisme pour ces usages temporaires, tant les collectivités (métropole du Grand Paris, ville de Paris, métropole de Lyon, ville de Nantes, etc.) que des acteurs de l’aménagement et de l’immobilier (SAMOA, SNCF Immobilier, Sequano Aménagement, Quartus, etc.), contribue à leur intégration au sein des réflexions et pratiques encadrant les projets urbains. La multiplication des appels à projets dédiés au développement de ces usages temporaires (SNCF Immobilier, Est Ensemble, etc.) et le développement de dispositifs de soutien financier (AMI Région Ile-de-France, fonds de dotation Novaxia) reflètent l’émergence d’une nouvelle commande. Cette commande ouverte, sans restriction sur les types d’acteurs concernés, permet la réponse de nouvelles typologies d’acteurs à ces appels à projets. Le soutien à ces activités se manifeste aussi par la désignation comme lauréat de nouveaux professionnels de l’occupation temporaire à plusieurs prix, comme le Palmarès des Jeunes Urbanistes ou l’accélérateur national French Impact. Ces différentes formes de soutien permettent de renforcer la professionnalisation d’acteurs anciens et nouveaux dans le champ de l’occupation temporaire, conduisant à l’émergence et à la structuration d’un nouveau milieu professionnel.

Les différentes trajectoires de professionnalisation
des acteurs de l’occupation temporaire

Le développement de l’occupation temporaire s’accompagne de l’émergence d’un nouveau jeu d’acteurs. Aux acteurs traditionnels de l’urbanisme et de l’aménagement s’ajoutent de nouveaux entrants fondant leur activité sur la possibilité de créer et développer de nouveaux usages au sein d’espaces vacants ou sous-utilisés. La vacance est mobilisée par ces acteurs comme une opportunité, à la fois économique, immobilière, sociale, culturelle, pour créer de nouveaux lieux, ouverts au public ou non. Le développement de ces lieux temporaires repose sur l’action de professionnels issusde champs très divers, allant du monde de la culture, de l’évènementiel, du débit de boisson, de l’immobilier à celui de l’hébergement d’urgence ou de l’agriculture urbaine (IAU, 2018[55] Op. cit.). Cette hétérogénéité conduit à des différences importantes entre elles, en termes de spécialisation, de profils plus ou moins militants et d’ambitions. Ces différences sont le reflet de plusieurs trajectoires de professionnalisation, permettant de distinguer ces structures.

La professionnalisation des acteurs historiques de l’occupation temporaire

Il s’agit principalement d’acteurs issus du milieu artistique et culturel, bénéficiant d’une dizaine d’années d’expérience dans l’ouverture d’occupations temporaires, sous la forme légale ou de squat. Ces collectifs sont à la recherche de lieux de création et/ou de diffusion, et se professionnalisent progressivement au cours de leurs démarches, en assurant l’ouverture (mise aux normes), la gestion quotidienne, la promotion auprès des acteurs du territoire, et en répondant à des appels d’offres. Ces acteurs acquièrent « des compétences dans l’action, par la maîtrise progressive des tâches nécessaires au déploiement de leurs projets » (Dumont et Vivant, 2017, p. 186[56]Dumont M, Vivant E. (2017). « Du squat au marché public : trajectoire de professionnalisation des opérateurs de lieux artistiques off », Réseaux, n° 200, p. 181‑208.) et transforment leur expérience parfois militante et alternative en véritable savoir-faire professionnel (Nonjon, 2005[57] Op. cit.). Toutefois, la professionnalisation est avant tout un moyen pour ces acteurs de pouvoir exercer leur activité, en permettant au collectif, aux artistes ou à l’association de disposer d’un espace de travail, de production, de diffusion. C’est le cas de structures comme Curry Vavart, de Mains d’Œuvres, du collectif Wonder ou du collectif Mu.

L’entrée dans le champ de l’urbanisme de professionnels issus d’autres domaines d’activités

Il s’agit d’opérateurs issus de domaines comme la culture, l’événementiel, l’animation et gestion d’espaces, la restauration ou le débit de boissons. La professionnalisation de ces acteurs dans le domaine de l’occupation temporaire les amène à gérer plusieurs lieux en même temps ou successivement. Leur champ d’action porte notamment sur le développement du concept du lieu, sa gestion, son animation, son financement, l’organisation et la production de contenus, et la promotion du lieu. Le développement d’occupations temporaires constitue parfois une nouvelle activité économique, permettant la croissance de la structure et la création de nouveaux emplois. Ils peuvent proposer des services d’assistance à maîtrise d’ouvrage auprès des acteurs classiques de la production urbaine (promoteurs, collectivités, aménageurs) et participer à des groupements de projets. C’est le cas, par exemple, d’acteurs très différents comme Soukmachine, Yes We Camp, La Lune Rousse, Sinny & Ooko, etc.

La spécialisation de nouveaux professionnels
issus des domaines de l’urbanisme et de l’immobilier
dans le champ de l’occupation temporaire

Il s’agit de structures récentes, apparues ces cinq dernières années, dont les membres fondateurs sont issus d’une formation et/ou d’une expérience professionnelle classique des métiers de la production urbaine (urbanisme, aménagement, immobilier, architecture). Ces structures se spécialisent dans le domaine de l’occupation temporaire, de l’urbanisme transitoire, voire des tiers-lieux. Ils jouent un rôle d’intermédiation, à travers la mise en relation entre propriétaire et occupant, et d’organisation du lieu. Ils ont un rôle d’accompagnement des projets, dans le cadre de missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Bien qu’il s’agisse d’acteurs issus des métiers traditionnels de la fabrique de la ville, ils constituent de « nouveaux entrants » par leur ouverture à de nouvelles pratiques professionnelles, venant questionner les représentations de l’urbanisme et ses métiers. C’est le cas de structures comme Plateau Urbain, la Belle Friche et Intermède.

Cette typologie ne se veut ni exhaustive ni figée. De fait, plusieurs structures peuvent naviguer entre ces différents champs. D’ailleurs, l’ouverture de certains lieux temporaires repose parfois sur le regroupement de plusieurs structures, aux savoir-faire complémentaires. C’est le cas des Grands Voisins à Paris, qui doit son développement à trois structures différentes (Aurore, Yes We Camp, Plateau Urbain), chacune assurant une mission différente et permettant le fonctionnement global du lieu. Des synergies se développent entre certains professionnels de l’occupation temporaire et permettent la constitution progressive d’un nouveau réseau d’acteurs, participant au développement de projets communs, d’actions d’entraide, de valorisation mutuelle ou d’échanges de bonnes pratiques. La professionnalisation de ces différents opérateurs les amène à jouer un rôle nouveau dans le système de production urbaine.

Le rôle de ces nouveaux professionnels de l’occupation temporaire
dans le système de production urbaine

Champs d’activités
de ces nouveaux professionnels

Ces opérateurs de l’occupation temporaire sont amenés à jouer une pluralité de rôles dans le système de production urbaine, sur différentes temporalités et à travers des missions opérationnelles et d’accompagnement.

Un premier et nouveau champ d’activité concerne la réalisation d’études en faveur du développement de projets d’occupation temporaire, sous forme d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Ces études, commanditées par des collectivités ou des promoteurs, peuvent porter sur le potentiel de développement de projets d’occupation temporaire, la préfiguration de projets urbains par l’urbanisme transitoire, la proposition de programmes novateurs, etc. Ils accompagnent ainsi le développement de nouveaux concepts, inclus par la suite dans la réponse des opérateurs lors d’appels à projets ou pour le développement d’opérations privées. L’architecte cofondatrice d’une structure dédiée à l’intermédiation entre propriétaires et occupants temporaires et créée en 2016 évoque la part très importante que représente la réalisation d’études dans leur activité, en grande partie commanditées par des promoteurs : « ça leur plaît d’avoir ce type d’études quand ils arrivent devant le jury d’un projet urbain. Ça montre qu’ils réfléchissent aussi au temporaire, à ce que le site sera avant qu’ils arrivent. Surtout, avec les nouveaux appels à projets, le fait de ramener des gens comme nous, ça ne va pas forcément leur permettre de gagner mais ça va ajouter une petite touche supplémentaire » (extrait d’entretien, 2017). En outre, une offre de services émerge sous la forme d’activités de conseil auprès des gestionnaires de lieux temporaires, proposant, par exemple, l’aide à la recherche de fonds, d’un nouveau lieu, l’organisation du modèle économique ou à la définition du programme du lieu temporaire. Ces consultants peuvent être sollicités sur des missions ponctuelles pour conseiller des acteurs historiques de l’occupation temporaire. Selon le cofondateur d’une de ces nouvelles structures de conseil, issu d’une formation en management de projets culturels, « certains nous demandent de l’aide sur la structuration de leur modèle économique, pour développer leurs ressources, développer un schéma de privatisation… On travaille avec eux, on fait du sur mesure en voyant ce qui se passe dans les autres lieux. Il y a ce côté artisan »(extrait d’entretien, 2018).

Un second champ concerne le développement d’une nouvelle action d’intermédiation, entre, d’un côté, un propriétaire public ou privé disposant d’un ou de bâtiments vacants et, de l’autre, des occupants à la recherche d’un espace bon marché. Cette intermédiation rend possible le développement de nouvelles occupations temporaires. Un des arguments mis en avant par ces intermédiaires porte sur la limitation, pour le propriétaire, des coûts associés à la vacance de ses biens (frais de gardiennage, charges) et de l’obsolescence qui peut en résulter (absence d’entretien, dégradation du bâtiment). Le développement de ces usages temporaires est également présenté comme un moyen de prévenir certains usages jugés comme indésirables par le propriétaire, comme le squat. Selon le directeur de l’une de ces nouvelles structures, cette activité consiste à « sortir ces immeubles du marché en leur ôtant leur valeur d’échange au profit d’une valeur d’usage » (extrait d’entretien, directeur du développement, docteur en urbanisme, 2017), et ce afin de proposer à de nombreux acteurs des espaces à des coûts inférieurs à ceux du marché immobilier classique. Cette intermédiation repose sur le développement de plateformes numériques, permettant aux futurs usagers de prendre connaissance des lieux disponibles et d’y postuler. Ces structures s’occupent également de la sélection des occupants, de leur répartition et de la spatialisation des activités, et parfois de l’ouverture au public. Ces nouveaux acteurs doivent également assurer à la fois l’accueil et le départ de ces occupants, dans les délais convenus contractuellement avec le propriétaire (convention d’occupation temporaire, baux précaires, etc.). Par conséquent, ces nouveaux intermédiaires disposent de compétences multiples – à la fois techniques, juridiques, opérationnelles, mais aussi marketing – à même de rassurer les propriétaires sur leur capacité à gérer le site au quotidien et jusqu’à sa libération.

Un troisième champ d’action concerne la gestion et l’animation des projets d’occupation temporaire, ainsi que leur ouverture au grand public. Les opérateurs en charge de cette activité définissent le programme ou concept du nouveau lieu. Ils participent à la mise en scène spatiale et esthétique du lieu (aménagement, scénographie, signalétique), à sa promotion (communication, réseaux sociaux, médiation avec les acteurs du territoire) et à l’organisation de synergies entre les occupants. Ces nouveaux métiers incluent également un champ de compétence lié à la production de contenus évènementiels et culturels, participant à la « mise en évènement » (Pinard et, Vivant, 2017[58] Op. cit.) de ces lieux temporaires. Une part de cette activité concerne le développement d’une offre de restauration et de débit de boissons, premièrement comme soutien au financement du projet (modèle économique), deuxièmement pour la sociabilité et la dimension festive associées à ces fonctions. De manière générale, cette compétence repose sur la capacité de ces opérateurs à transformer un espace jusqu’e-ici vacant ou sous-utilisé, en lieu vivant, attractif et approprié. La gestion et l’animation de lieux temporaires est une pratique ancienne (Dumont et, Vivant, 2017[59] Op. cit.), mais ce champ d’action est aujourd’hui renforcé par la recherche d’attractivité et de visibilité auprès du public, afin d’équilibrer un modèle économique sur des temporalités brèves.

Un quatrième champ d’action concerne la mise en relation de différentes parties prenantes, et la facilitation de leurs rapports. En effet, le développement des projets d’occupation temporaire suppose la mise en branle de nombreux acteurs, parmi lesquels ces professionnels occupent une position d’interface ou de facilitateur, entre le propriétaire, les collectivités locales et institutions, les occupants du lieu dans leur diversité (artistes, start-up, associations, etc.), les financeurs publics et privés du projet et le grand public (communication, médiation, programmation, voisinage) (fFigure. 1, IAU 2018). Dans le cadre d’occupations temporaires menées avant l’arrivée d’un projet urbain (urbanisme transitoire), ces acteurs jouent également un rôle d’interface auprès du futur aménageur ou promoteur, permettant parfois d’intégrer le projet temporaire dans les réflexions entourant la transformation urbaine du site. Facilitateurs, accompagnateurs, médiateurs, ces structurent cultivent un « art du mouvement » (Nonjon, 2005[60] Op. cit.) en se faisant porte-parole entre une diversité d’acteurs aux objectifs et représentations variés, parfois même contradictoires. Pour ces professionnels, cette mise en relation suppose la construction d’une posture de tiers de confiance auprès de ces acteurs. Le développement de leur activité professionnelle repose sur leur capacité à maîtriser un certain discours, à se montrer rassurant et à démontrer les intérêts que peuvent avoir ces lieux pour les territoires (culturel, social, économique, etc.).

Figure 1. Le rôle des acteurs de l’urbanisme transitoire selon l’IAU (IAU, 2018[61] Op. cit.).

Une posture hybride
à l’intersection de différents champs de compétences

Par conséquent, ces acteurs de l’occupation temporaire voient s’élargir progressivement le champ de leur action et de leurs missions. Ces nouveaux professionnels revendiquent en effet la mobilisation de compétences nouvelles et spécifiques, légitimant l’exercice de leur activité professionnelle. Le positionnement qu’ils affichent est celui d’une multiplicité des compétences, entre intermédiation, gestion de lieux, animation, programmation, conseil et AMO (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage), etc. À titre d’exemple, un jeune entrepreneur, cofondateur d’une structure de conseil pour le développement de ces lieux temporaires, évoque la création et l’évolution progressive de son activité : « Il n’y pas eu de vision au départ, c’est né de manière empirique et de cette volonté d’aider les lieux qui sont souvent sur des économies très précaires. Nos missions à la base, c’était de les aider à se structurer économiquement. Puis il y a eu d’autres demandes, c’est vraiment organique… C’est devenu une boîte à outils 360° de ces lieux » (extrait d’entretien, 2018). Ces nouveaux entrants se caractérisent par la polyvalence de leurs activités et de leurs compétences. En effet, le développement de leurs missions repose sur une évolution de leurs champs d’action et la flexibilité de leur offre, afin de s’adapter à une demande croissante. Le fondateur d’une entreprise spécialisée dans la création de tiers-lieux évoque ainsi l’évolution de sa structure grâce à la création d’un poste en urbanisme dédié à « l’accompagnement des appels à projets de plus en plus lancés par les collectivités, qui cherchent un peu à challenger les compétiteurs, promoteurs, avec des nouvelles initiatives pour créer de l’impulsion sociale, une singularité culturelle…» (discussion libre conduite en 2018 avec le directeur général d’une entreprise spécialisée dans la création de tiers-lieux depuis une dizaine d’années, formé en sciences économiques). Le processus de professionnalisation des acteurs de l’occupation temporaire issus des champs de l’évènementiel, de la culture ou du débit de boisson repose parfois sur leur capacité à se doter de compétences en urbanisme à travers le recrutement de personnes formées dans ce domaine.

En outre, la structuration de ces nouveaux entrants repose sur leur capacité à faire la synthèse entre compétences et savoir-faire issus de leurs pratiques professionnelles et expériences passées hors du champ de l’urbanisme (culture, événementiel, ludique, restauration, etc.), et des compétences techniques et opérationnelles acquises à mesure du développement de projets d’occupation temporaire (mise aux normes, dimension juridique, communication et promotion du lieu, gestion quotidienne, etc.). Par exemple, un collectif d’artistes a mobilisé son expérience en ouverture (légale ou non) et gestion de lieux de production et de diffusion artistique pour répondre et remporter des appels d’offres de la Ville de Paris (Dumont et Vivant, 2017[62] Op. cit.). Un autre collectif, issu du domaine de l’événementiel, s’est tourné vers l’ouverture et la gestion d’occupations temporaires mêlant à la fois programmation culturelle festive et création d’espaces de travail à bas coût. Enfin, le directeur d’une entreprise spécialisée dans la création de lieux mêlant activités culturelles, restauration et débit de boissons, décrit son activité comme « la réunion d’un vieux métier, celui de monter des salles de concert, et un métier plus récent, celui de monter des lieux comme *** [lieu d’occupation temporaire] » (discussion libre, directeur général d’une entreprise spécialisée dans la création de Tiers-Lieux depuis une dizaine d’années, formé en sciences économiques, 2018). Par conséquent, ces nouveaux acteurs de l’occupation temporaire se singularisent à travers l’expérience liée à leurs trajectoires professionnelles, leurs compétences et leur connaissance de différents réseaux professionnels. Cette hybridation des compétences donne la possibilité à ces nouveaux entrants de se positionner sur des registres d’actions échappant aux compétences traditionnelles des opérateurs de la production urbaine, à l’interface entre urbanisme, immobilier, communication et évènementiel. Ainsi, une structure créée par deux architectes en 2016 a été amenée un peu malgré elle à s’orienter vers de « l’évènementiel urbain », développant une action entre animation du territoire, concertation, création de lien social et marketing territorial, en relais des compétences de l’établissement public d’aménagement commanditaire, « qui n’avait jamais fait d’évènementiel urbain avant » (entretien, architecte et fondatrice d’une nouvelle structure dédiée à l’intermédiation entre propriétaires et occupants temporaires, 2017).

La professionnalisation de l’occupation temporaire
et l’émergence de nouvelles méthodes
en urbanisme ?

Outre la diversité des compétences mobilisées par ces professionnels, l’originalité de ces entrants repose sur les méthodes qu’ils emploient et la vision qu’ils portent de l’urbanisme, les rapprochant de la figure de « l’entrepreneur de méthode » (Arab et Vivant, 2018[63] Op. cit.). En effet, les acteurs appartenant à ce nouveau milieu professionnel revendiquent une action dans le champ de la fabrique de la ville, mais sans pour autant se situer comme praticien classique ou « historique » de l’urbanisme (Girault, 2016[64] Op. cit.). Une partie de ces opérateurs adopte une posture militante quant au renouvellement nécessaire des pratiques en urbanisme et revendique, à travers son action professionnelle, de transformer les manières de faire la ville. Ainsi, certains opérateurs citent Lle dDroit à la ville d’Henri Lefebvre[65] Op. cit. pour appuyer leur action de réappropriation temporaire des espaces vacants, en tant que moyen de sortir de la valeur marchande des espaces urbains au profit d’une valeur d’usage. La revendication du « droit à la ville », parfois galvaudée, soutient une critique envers l’aliénation actuelle de la société urbaine et de la nécessité, face à cela, de développer des moyens de résistance à un mode de production capitaliste de la ville (Costes, 2010[66]Costes L. (2010). « Le Droit à la ville de Henri Lefebvre : quel héritage politique et scientifique ? », Espaces et sociétés, no 140‑141, p. 177‑191.). Certains de ces nouveaux professionnels envisagent ainsi leur pratique comme un moyen de lutter contre les maux engendrés par l’urbanisme traditionnel. Par exemple, sur la page web de présentation de l’une de ces nouvelles structures, la méthode de l’opérateur est définie de la manière suivante : « Nous concevons nos projets comme des “espaces communs temporaires”(…). Pour cela, nous nous attachons à contrer les entraves caractéristiques des villes aujourd’hui (…) Nos projets sont des prototypes pouvant agir comme antidotes à ces entraves » (citation extraite de la page Internet de la structure, janvier 2019). Une seconde structure, composée de professionnels du monde de l’art, décrit la présence de leur lieu temporaire sur le territoire comme permettant de créer un morceau de ville différent de celle produite par les acteurs traditionnels de l’urbanisme : « on créé une version un peu dionysiaque de la ville, dans une ville un peu rationalisée, programmée (…) où tout est aseptisé (…), avec des lieux qui sont en train de s’uniformiser, se franchiser à vitesse grand V. Et, à côté, tu as des petits lieux comme ça [sic; référence aux lieux d’occupation temporaire] qui créent de l’aspérité, qui créent une parenthèse où tu peux penser différemment, où tu as des imaginaires différents qui se diffusent. »(extrait d’entretien, membre d’un collectif de professionnels du monde de l’art, gestionnaire d’un site d’urbanisme transitoire depuis 2016, en 2017).

Outre s’engager en faveur d’un renouvellement des manières de faire la ville, ces opérateurs s’emploient à convaincre les professionnels historiques de l’urbanisme et de l’aménagement d’adopter ces nouvelles « règles du jeu » (Arab et Vivant, 2018, p. 7[67] Op. cit.). Ils démontrent l’intérêt et la légitimité de leur action à des interlocuteurs variés (propriétaires, collectivités locales, riverains, etc.), notamment afin de lever un certain nombre de réticences. Pour cela, ils participent (voire organisent) de très nombreux évènements publics ou professionnels, pendant lesquels ils présentent leurs démarches, sensibilisent à leurs pratiques et développent leurs réseaux. Ils contribuent ainsi directement à la diffusion de la pratique de l’occupation temporaire et à la structuration d’un nouveau marché. Ils accompagnent non seulement la conception d’un nouveau champ professionnel, mais permettent aussi à le faire perdurer(ibid.). En effet, la reconnaissance de l’existence de ce nouveau champ professionnel est une condition à la construction d’un marché, construction « subordonnée à la reconnaissance sociale d’une compétence spécifique, comme valeur d’usage attachée à des savoirs et savoir-faire incorporés par certains travailleurs » (Paradeise, 1988, p. 13, cité par Girault, 2016[68] Op. cit.). Pour certains nouveaux entrants, l’affirmation d’un positionnement dans le champ de la fabrique de la ville est un moyen de se positionner sur un nouveau marché, « d’aller chercher d’autres types de financements » (entretien, 2017, membre fondateur d’une nouvelle structure de conseil, issu d’une formation en management de projets culturels) ou de diversifier leur activité professionnelle.

La construction et le déploiement de ce nouveau milieu professionnel reposent enfin sur le développement de nouvelles offres de formation dédiées au développement et à la gestion de ces lieux temporaires. En atteste, en 2019, le lancement du diplôme universitaire « DU Espaces communs » par Yes We Camp, en partenariat avec Ancoats, CoDesign-It et l’université Paris Est-Marne La Vallée, et grâce à l’appui de nombreuses structures de référence comme le 6b, Plateau Urbain, Bellastock, etc. Ce diplôme universitaire matérialise la nouvelle corporation qui émerge autour de l’occupation temporaire. Destinée aux professionnels, l’ambition de cette formation continue est de favoriser la diffusion de ce type de lieux sur les territoires, notamment afin d’éviter les situations de monopole. L’attractivité de la formation est envisagée grâce à la renommée des structures fondatrices et à l’immersion des participants au sein des principaux projets d’occupation temporaire ouverts en France. De plus, plusieurs entreprises ou organismes privés proposent, depuis 2019, des formations sur la mise en œuvre de démarches d’urbanisme transitoire ou sur la création de tiers-lieux. Pour l’une de ces entreprises, spécialisée dans la création de tiers-lieux, la création d’une offre de formation participe au développement de son activité : « on considère qu’on n’a pas vocation à devenir un gros mastodonte et à gérer des tonnes de lieux. On a plus intérêt à apprendre à d’autres comment les créer, car ils sont intégrés dans de plus en plus de réflexions des institutions (…) Très rapidement, on s’est dit qu’on pourrait monter une formation.»(discussion libre, directeur général d’une entreprise spécialisée dans la création de tiers-lieux depuis une dizaine d’années, 2018). Pour ces acteurs, le développement de ces offres de formation apparaît comme mode supplémentaire de légitimation de leurs pratiques professionnelles. En effet, elles sont le moyen d’affirmer les compétences professionnelles spécifiques nécessaires au développement de ces projets d’occupation temporaire. Le développement de ces formations apparaît à la fois comme un moyen de diffuser des connaissances sur ce nouveau champ, tout en consolidant le rôle de ces nouveaux professionnels dans la fabrique de la ville.

Toutefois, les acteurs de l’occupation temporaire évoqués dans cet article ne sont pas tous engagés de la même manière dans ce processus de professionnalisation. Certains d’entre-deux refusent de participer à la constitution d’un marché et évoquent la manière dont ils subissent l’engouement ambiant pour l’urbanisme temporaire et transitoire. La professionnalisation de l’occupation temporaire et l’ouverture balbutiante d’un marché conduisent à l’apparition de tensions et de positionnements parfois ambigus. De fait, il existe des divergences de point de vue très marquées entre certains acteurs, fondées sur les différences de valeurs, de représentations et d’ambitions associées à ces usages temporaires de l’espace.

Les tensions et limites soulevées par la professionnalisation
des acteurs de l’occupation temporaire

La professionnalisation de l’occupation temporaire et l’émergence de ces nouveaux entrants suscitent un certain nombre de tensions entre ces acteurs, questionnant les limites du modèle et l’ambiguïté du positionnement de ces acteurs de la production urbaine.

Un risque d’uniformisation des pratiques
et de domination de certains opérateurs ?

Une première limite pointée par certains acteurs est celle de la place prédominante que tendraient à prendre quelques structures dans le développement de l’urbanisme temporaire ou transitoire, particulièrement au sein des groupements lauréats des appels à projets urbains innovants. À cette critique, s’ajoute celle d’un risque d’uniformisation des projets temporaires en eux-mêmes, à travers l’application des mêmes « recettes » par quelques acteurs, en termes d’activités ou d’esthétique, produisant des lieux de plus en plus similaires. De fait, le cofondateur d’une nouvelle structure de conseil au développement de ces lieux temporaires évoque « le risque d’homogénéisation par ces appels à projets, car on y retrouve les mêmes acteurs, les all star de l’urbanisme transitoire et des tiers lieux culturels »(prise de parole publique, membre fondateur d’une nouvelle structure de conseil, 2018). La forte médiatisation de certaines structures leur attire la confiance des propriétaires et leur permet de recevoir de nombreuses sollicitations, contribuant au développement de leur activité. Toutefois, la croissance de l’activité de ces structures n’est pas sans poser certaines difficultés quant au positionnement idéologique à adopter pour ce « passage à l’échelle » (ibid.). En effet, le processus de professionnalisation de ces acteurs et la croissance de leurs structures se confrontent parfois aux valeurs personnelles de leurs membres, conduisant à des postures ambiguës, parfois vécues comme inconfortables. Cela se traduit par de nombreux questionnements : jusqu’où aller dans le développement de la structure, quel statut juridique adopter, comment garder l’intégrité de la structure et ses idéaux politiques, etc. Pour certains, cette croissance représente un risque de perdre l’approche militante et flexible qu’ils souhaitent porter à travers leurs pratiques professionnelles.

Par ailleurs, la posture jugée parfois hégémonique et opportuniste de certains opérateurs de l’occupation temporaire peut être source de tensions auprès des acteurs plus anciens de ce milieu. Ces derniers évoquent la manière dont certains nouveaux acteurs « surfent » sur l’engouement actuel pour l’urbanisme temporaire et transitoire, alors même que leur pratique trouve racine dans des mouvements historiques d’occupation spontanée d’espaces en friche, souvent dictés par la nécessité. D’après la directrice d’un lieu culturel intermédiaire et indépendant : « On ne défend pas la même chose. Il y a quelque chose de très très différent. Bon, après, on est sympathisants, on n’a pas d’agressivité. Mais ils jouent à “on a réinventé la poudre” pour un truc que je défends et qui ne m’appartient pas mais qui est un basique des nouveaux territoires de l’art et des politiques culturelles. Ils ont les codes des promoteurs et des collectivités et les rassurent car ils parlent leur langue. L’innovation est-elle là pour moi ? » (extrait d’entretien, directrice d’un lieu culturel intermédiaire et historique, 2017).

Les nouvelles structures dont les membres sont issus des champs de l’urbanisme, de l’immobilier ou de l’architecture se trouvent favorisées grâce à leur capacité à maîtriser un discours et des codes communs à leurs interlocuteurs (collectivités, aménageurs, propriétaires, promoteurs, etc.). Face à ces nouveaux entrants se positionnant sur le marché de l’occupation temporaire, les « militants » doivent s’adapter à ce processus de professionnalisation croissant (Nonjon, 2005, p. 70[69] Op. cit.). Pour désamorcer les critiques à leur encontre, certains de ces nouveaux entrants évoquent la conscience qu’ils ont de l’ancienneté de ces pratiques, et du fait de n’avoir « rien inventé » (prise de parole d’un membre fondateur d’une nouvelle structure spécialisée dans l’intermédiation, 2017). Ces tensions reflètent plus largement la complexité inhérente à la professionnalisation de ces acteurs de l’occupation temporaire selon leurs différentes trajectoires. En effet, la structuration de ces nouveaux professionnels ne se fait pas sans heurts ni tensions, notamment entre acteurs récents et acteurs historiques de l’occupation temporaire. Ces tensions reposent à la fois sur des revendications d’ancienneté, des valeurs parfois opposées, des enjeux de légitimité les uns par rapport aux autres, et à l’appréhension d’une nouvelle forme de concurrence face à ces acteurs.

Concurrence dans l’accès aux lieux,
conflit de valeurs et professionnalisation
à plusieurs vitesses ?

La place prédominante de certaines structures au sein de la sphère des acteurs de l’occupation temporaire questionne l’avènement d’une forme de concurrence spatiale et économique, renforcée par le contexte de rareté du foncier en Ile-de-France. Certains acteurs issus du monde associatif évoquent la compétition croissante avec d’autres structures plus commerciales de l’occupation temporaire : « Ils récupèrent un lieu et une esthétique pour en faire un business, (…) ne font rien de culturel, alors que nous, on se bat pour faire quelque chose, faire changer les choses socialement. Comment on peut résister face à ça ?  »(cofondateur d’une association dédiée à l’évènementiel et à l’occupation temporaire, 2017). Des visions divergentes se développent entre certains acteurs, fondées sur la visée plus ou moins marchande associée au développement de ces usages temporaires. Loin de constituer un milieu professionnel homogène, ces divergences de positionnement sont à l’origine de regroupements d’acteurs selon les valeurs et ambitions qu’ils associent à leurs projets. Une forme de concurrence apparaît, à la fois économique, idéologique, mais aussi spatiale, à travers la question de l’accès à de nouveaux espaces vacants à Paris et en première couronne. Pour les acteurs historiques ou associatifs de l’occupation temporaire, la professionnalisation de structures intermédiaires peut représenter une difficulté supplémentaire dans leur recherche de nouveaux lieux : « Des collectifs comme nous, on en souffre de tous ces intermédiaires. C’est de plus en plus difficile de remonter jusqu’au propriétaire. Les terrains [vacants] sont de plus en plus balisés, avec des enjeux économiques et politiques. Nous, on se retrouve au centre de ces enjeux mais dans l’incapacité d’agir directement, d’établir un contact direct… Cela rend dépendant. (…) On sait qu’ils ne veulent pas nous bloquer consciemment. Ce n’est pas malveillant (…) Mais cela devient trop vertical. On devient des exécutants, alors qu’on pense et qu’on administre nous-mêmes nos lieux. Alors qu’en quatre mois de recherche de lieux, j’ai énormément appris »(extrait d’entretien auprès d’un membre d’un collectif d’artistes gestionnaire d’un lieu temporaire, 2018).

Le développement de cette intermédiation tendrait à complexifier les échanges entre les collectifs et les propriétaires, et à ralentir de fait la recherche d’un lieu adapté à leurs besoins. Elle peut être vécue par certains de ces acteurs comme une limitation à la professionnalisation de leur structure. La structuration de ces nouveaux intermédiaires les priverait d’une possible montée en compétences (démarcher un propriétaire, présenter un projet, tenir un certain discours, etc.), et représenterait donc un frein potentiel à leur professionnalisation.

À travers ces tensions se dégage en filigrane une critique sur la dimension de plus en plus entrepreneuriale qui entoure ces usages temporaires. Souvent porté par des acteurs historiques de ces pratiques, appartenant au milieu artistique et culturel, le développement de nouveaux entrants est décrié comme une forme d’opportunisme, participant indirectement à la précarisation de leur milieu. Face à cela, les structures plus récemment créées sont souvent conscientes de l’ambiguïté de leur positionnement : entre, d’un côté, leur volonté sincère d’aider ces collectifs et de promouvoir ces usages temporaires et, de l’autre, la conscience de leur participation à des logiques entrepreneuriales. Cette posture ambiguë questionne le rapport entre leurs convictions militantes personnelles et leur désir de professionnalisation au sein de ce milieu.

Précarité, bénévolat et structures en danger

Malgré la croissance rapide des nouveaux entrants et l’engouement actuel pour l’occupation temporaire, la majorité de ces structures demeurent dans une économie encore incertaine. Cela se traduit par l’importance des emplois précaires, tels que des contrats à durée déterminée, des postes de freelance, des services civiques ou des stages. Pour nombre de structures, le bénévolat joue un rôle de premier plan dans le développement de leurs projets temporaires, parfois seule possibilité de faire « tourner le lieu et l’aménager. (…) si l’on avait dû prendre en compte les moyens humains, le modèle économique n’aurait pas pu fonctionner, ça aurait été impossible » (cofondateur d’une structure dédiée à l’évènementiel et à l’occupation temporaire, 2017).

En outre, le rythme de travail, la faible rémunération, l’énergie déployée et l’engagement professionnel et personnel que demandent ces emplois questionnent la longévité des employés au sein de ces structures. Plusieurs membres insistent en effet sur l’épuisement rapide auquel ils font face dans leur pratique, bien que ces métiers continuent à exercer une attractivité très forte auprès de jeunes professionnels. En effet, le directeur de l’une de ces structures explique que « Pour chaque nouvelle offre de poste, même si c’est payé au smic et qu’on prévient qu’il y aura beaucoup d’heures en plus, on reçoit quand même beaucoup de candidatures » (prise de parole, cofondateur et directeur d’une nouvelle structure dédiée à l’animation et au développement de projets temporaires, 2018).

Par ailleurs, plusieurs de ces structures récemment créées n’arrivent pour le moment pas à en vivre. Cela se traduit parfois par un cumul des activités professionnelles, en alliant emploi stable et création d’entreprise. Certains acteurs se questionnent même sur l’existence réelle d’un marché pour le développement de leur activité : « On est parti du principe qu’il existait un marché, mais aujourd’hui, je me pose vraiment la question. Non, moi je n’en vis pas. Après, on est aussi dans la contrainte de la première année où toutes les sociétés au début ne fonctionnent pas très bien. Mais c’est vrai qu’on n’a pas une croissance fulgurante (…) On ne se paye pas très bien. (…) On n’a pas encore de salariés, on fonctionne avec des freelance et des stages »(cofondatrice d’une structure spécialisée dans l’occupation temporaire et l’intermédiation, 2017). La professionnalisation des acteurs de l’occupation temporaire est donc à nuancer à travers les difficultés que rencontrent plusieurs de ces structures à vivre de cette activité, allant jusqu’à questionner la pérennité de certaines d’entre elles.

Conclusion

Cette contribution permet de documenter l’émergence et la structuration d’une nouvelle catégorie de professionnels, dédiée au développement, à la gestion et l’animation de lieux temporaires. Celle-ci intervient dans un contexte favorable grâce à l’engouement actuel des acteurs de la production urbaine pour l’urbanisme temporaire et transitoire, qui se traduit par le développement progressif d’une commande et l’intégration de ces acteurs au sein des appels à projets urbains. Nous avons tenté de démontrer la spécificité de ces nouveaux métiers, à l’interface de domaines hors et dans le champ de l’urbanisme et de l’aménagement, qui se caractérisent par une démultiplication et une hybridation des compétences. Ces acteurs sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans l’accompagnement des projets urbains, à travers le développement de projets d’occupation temporaire, mais aussi à travers la médiation qu’ils opèrent entre ses différents protagonistes.

Toutefois, nous avons aussi montré que la structuration de ces professionnels ne s’est pas faite sans heurts ni tensions, et qu’il existe une grande diversité d’acteurs inclus dans ce processus. La forte hétérogénéité de ce milieu professionnel conduit à des pratiques professionnelles loin d’être unifiées. Il convient en effet de distinguer ces acteurs, tous ne portant pas les mêmes représentations, les mêmes ambitions, ni les mêmes modes d’action. Nous avons notamment souligné la manière dont les trajectoires de professionnalisation de ces acteurs, selon leur ancienneté ou leurs champs d’origine, peuvent créer différentes approches de ces sujets. Elles peuvent également être sources de divergences et d’appréhensions quant à l’avenir de ces pratiques. Ces nouveaux entrants se retrouvent eux-mêmes en prise à des conflits et des contradictions dans leur positionnement personnel et professionnel, entre défense de valeurs coopératives et sociales et contribution à l’émergence d’un nouveau marché. Pour affiner la description et l’analyse des trajectoires professionnelles de ces acteurs, un travail de recherche complémentaire pourrait être entamé à partir de réseaux sociaux (Linkedin, Facebook, notamment). Ces données, que nous avons partiellement rassemblées à ce stade de l’enquête, pourraient être mobilisées dans une prochaine étape afin d’apporter des éléments de compréhension supplémentaires sur les effets liés au militantisme, à la formation, au champ d’expérience, au réseau professionnel et personnel. Nous pourrions alors montrer comment ces effets influent sur la trajectoire professionnelle de ces acteurs.

Plus largement, la professionnalisation de ces nouveaux entrants révèle l’évolution actuelle des métiers et compétences de l’urbanisme à travers leur rôle croissant dans le système de production urbaine. De cette analyse, nous tirons quelques enseignements.

Ces nouveaux entrants, issus de domaines variés, revendiquent aujourd’hui le statut d’acteurs de la fabrique de la ville. Ces acteurs ne se revendiquent plus uniquement comme des gestionnaires de lieux (Dumont et Vivant, 2017[70] Op. cit.) mais plus largement comme de nouveaux professionnels de l’urbain. Ils légitiment cette revendication par leur capacité à transformer les espaces urbains, à proposer de nouveaux usages et à penser l’avenir des sites qu’ils occupent. Dans leur positionnement sur le marché de l’action urbaine, ils mettent en avant leur ouverture professionnelle et disciplinaire (art, culture, évènementielle) comme gage d’une manière nouvelle de produire la ville. Ils affirment clairement que leur action relève bien d’une pratique professionnelle, et non pas uniquement d’une pratique associative ou militante. En effet, malgré l’engouement actuel pour les thématiques de l’urbanisme temporaire et transitoire, ces pratiques professionnelles restent fortement marquées par la précarité. Le fondateur d’un lieu temporaire devenu emblématique en Ile-de-France décrit son action de la manière suivante : « C’est un travail d’urbanisme, un travail de fabrique de la ville. Il y a de plus en plus d’appels à projets qui cherchent des acteurs comme les nôtres. Il faut sortir du mot collectif, on ne fait pas que du militantisme (…). Nos projets sont des projets qui essayent d’ouvrir des portes. On ne doit plus avoir l’air d’artistes, de friches culturelles. On est des gens qui travaillent, c’est un travail » (prise de parole publique, architecte fondateur d’une occupation temporaire emblématique en Ile-de-France, 2017).

La professionnalisation de ces acteurs et leur tentative de positionnement sur cette nouvelle activité s’accompagnent d’une évolution de leur discours. Changer les manières de se présenter apparaît comme un moyen de faire reconnaître le caractère professionnel de leur pratique. Cette prise de distance avec la rhétorique militante leur permet de faire face à la concurrence grandissante et de s’implanter sur ce nouveau marché (Nonjon, 2005, p. 97[71] Op. cit.). Ces nouveaux entrants affirment leur appartenance au champ des métiers de l’urbain en revendiquant des compétences spécifiques et un positionnement à part. Ce positionnement reflète l’émergence d’une figure de « l’expert-militant » (ibid.) dans le champ de l’occupation temporaire, grâce à des acteurs qui mobilisent des compétences professionnelles nouvelles et polyvalentes, tout en revendiquant une posture militante. Bien que ces nouveaux acteurs de l’urbain se positionnent hors du « vase clos » des métiers historiques de l’urbain (Girault, 2016[72] Op. cit.), ces nouveaux professionnels travaillent de manière étroite avec ces acteurs, tissant des « synergies » (Levy et Soubeyran, 2018[73] Op. cit.) entre ces différents mondes. La structuration de ces nouveaux entrants accompagne une transformation des pratiques en urbanisme. En effet, la constitution de cette nouvelle communauté professionnelle s’accompagne d’un discours en faveur d’un renouvellement des méthodes en urbanisme. La diversification des compétences à l’œuvre dans ces métiers combine à la fois des connaissances et savoir-faire classiques en urbanisme (diagnostics territoriaux, stratégie, promotion, gestion immobilière) et des connaissances liées aux usages et à l’animation de ces lieux (programmation culturelle, événementiel, médiation auprès des publics). Cette hybridation des compétences permet aux professionnels de l’occupation temporaire de répondre à de nouveaux besoins, en relais des acteurs classiques de la production urbaine, grâce à leur positionnement sur de nouveaux segments de marché. En tentant d’apporter des réponses aux enjeux des villes contemporaines (crise écologique, économique, urgence sociale, besoin en espace de travail, etc.), ces nouveaux métiers hybrides se définissent à mesure que la commande se développe et que la réflexion sur le rôle de ces lieux dans la ville se théorise. Grâce à de nouveaux modes d’action, ces acteurs tentent de produire une ville différente aux accents ou ambitions utopiques.


[1] IAU, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme. (2018). « L’urbanisme transitoire, optimisation foncière ou fabrication urbaine partagée », Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la région Ile-de-France, 106 p.

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[23] Op. cit.

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[31] Op. cit.

[32] Op. cit.

[33] Op. cit.

[34] Bishop P, Williams L. (2012). The Temporary City, London, Routledge.

[35] Oswalt PK, Overmeyer K, Misselwitz P. (2013). Urban Catalyst: The Power of Temporary Use, Berlin, DOM Publishers, 2e éd.

[36] Op. cit.

[37] Op. cit.

[38] Tonkiss F. (2013). « Austerity urbanism and the makeshift city », City, n° 17(3), p. 312‑24 [En ligne].

[39] Op. cit.

[40] Op. cit.

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[47] Lefebvre H. (2009). Le droit à la ville, Paris, Économica, 135 p.

[48] Dumont M, Vivant E. (2017). « Du squat au marché public : trajectoire de professionnalisation des opérateurs de lieux artistiques off », Réseaux, no 200, p. 181‑208.

[49] Op. cit.

[50] Pinard J, Vivant E. (2017). « La mise en évènement de l’occupation temporaire : quand les lieux artistiques off inspirent les opérateurs in de la production urbaine », L’Observatoire, no 50, p. 29‑32. [En ligne]. Disponible sur : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01563844

[51] Appel à manifestation d’intérêt de la région Ile-de-France pour le dispositif régional de soutien aux initiatives d’urbanisme transitoire, règlement d’intervention, p. 3.

[52] Arab N. (2014). « L’urbanisme et l’innovation », mémoire d’habilitation à diriger des recherches, vol. 2. Université Paris-Est.

[53] Behar D, Bellanger E, Delpirou A. (2018). « La production urbaine en chantier : héritages, enjeux et perspectives des appels à projets innovants », Métropolitiques [En ligne].

[54] Op. cit.

[55] Op. cit.

[56] Dumont M, Vivant E. (2017). « Du squat au marché public : trajectoire de professionnalisation des opérateurs de lieux artistiques off », Réseaux, n° 200, p. 181‑208.

[57] Op. cit.

[58] Op. cit.

[59] Op. cit.

[60] Op. cit.

[61] Op. cit.

[62] Op. cit.

[63] Op. cit.

[64] Op. cit.

[65] Op. cit.

[66] Costes L. (2010). « Le Droit à la ville de Henri Lefebvre : quel héritage politique et scientifique ? », Espaces et sociétés, no 140‑141, p. 177‑191.

[67] Op. cit.

[68] Op. cit.

[69] Op. cit.

[70] Op. cit.

[71] Op. cit.

[72] Op. cit.

[73] Op. cit.