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Géologie

À la découverte des "tiankengs", les majestueux trous géants chinois, véritables havres pour la biodiversité

Sciences et Avenir a contacté les chercheurs et spéléologues à l'origine de la découverte d'un trou géant chinois en mai 2022. Même si la région en est couverte, l'exploration de ce genre de structure, isolée du monde extérieur, est l'occasion de faire des découvertes inattendues, images à l'appui.

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Des chercheurs chinois ont annoncé la découverte d’un nouveau trou géant dans le sud de la Chine au début du mois de mai, images à l'appui. Bien que ce genre de dépression géologique soit commune dans la région, l’exploration de l’une d’entre elle est toujours un évènement. La démesure de leurs structures et leurs aspects mystérieux rend leur découverte d'autant plus impressionnante. Ce type de trou appelé "tiankeng" (littéralement "trou de ciel" en mandarin), est caractérisé par sa grande taille et sa profondeur. "En effet celui récemment découvert dans la région autonome de Zhuang Guangxi, près du village de Ping'e dans le comté de Leye, dans le sud de la Chine, comprend trois entrées et ne fait pas moins de 192 mètres de profondeur pour 306 mètres de long et 150 mètres de large", explique Zhang Yuanhai, ingénieur principal à l'Institut de géologie karstique du Service géologique de Chine à Sciences et Avenir

Comment se forment ces trous géants ? 

Ce phénomène géologique, appelé "doline" ou "méga-doline" en français, se caractérise dans un domaine karstique, où des massifs, principalement calcaires, sont parcourus par des galeries creusées par la lente dissolution chimique de leur surface par l’écoulement de l’eau. Quand le plafond d’une cavité devient trop mince, il s’effondre et forme alors une dépression dans le sol. Les tiankengs chinois se différencient des autres dépressions par leur taille mais aussi par la morphologie de leurs parois très verticales.

"Si on ne collecte pas ces informations, on reste dans la totale ignorance"

"Même si la localisation théorique d’un tiankeng est avérée, son exploration est primordiale pour les scientifiques afin d’assurer l’inventaire et la topographie de la région, explique Jean Bottazzi, spéléologue français expatrié en Chine et expert en la matière, à Sciences et Avenir. Les informations ainsi acquises bénéficient aux acteurs locaux du développement, de la protection et de l'éducation, notamment dans le cadre du géoparc de Leye-Fengshan (parc naturel de renommée mondiale, ndlr) qui en assume la mission. L'inventaire et la topographie sont à la base de toute recherche. Si on ne collecte pas ces informations, on reste dans la totale ignorance. C’est sur la base de ces explorations que des recherches plus fondamentales peuvent être entreprises. Les sciences de la terre n'ont pas dit leurs derniers mots. Les pièces de puzzle que nous collectons en tant que spéléologues peuvent être reprises pour des études plus ciblées. Par exemple, il existe plusieurs théories sur la surrection himalayenne et donc sur la formation du plateau du Yunnan-Guizhou où se situe le tiankeng récemment mis à jour."

"Détecter un tiankeng n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît"

De par leur nature, les tiankengs sont généralement connus par les habitants des contrées où ils se trouvent, décrit Jean Bottazzi. Il suffit donc de se renseigner auprès des autochtones pour y accéder. Simplement, les montagnes karstiques du sud de la Chine sont déroutantes et aller discuter dans tous les villages serait une tâche vraiment très longue. Détecter un tiankeng par image satellite n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. On peut se faire tromper par les ombres car ces montagnes sont souvent couvertes de végétation. En plus de leur expérience, les équipes ont recours à des drones pour vérifier la nature de l'objectif. Cela permet ainsi de gagner un temps précieux. En effet, si aucun sentier ne passe proche du tiankeng, il faut se frayer un passage dans une végétation de ronces et souvent sur des flancs escarpés parfois tailladés. Ce n'est pas toujours sans effort et sans risque qu'on accède aux entrées des cavités", rappelle le spéléologue.

Comme le confirme Zhang Yuanhai, qui a organisé et contribué à l’exploration de ce nouveau trou avec une équipe de 17 spéléologues : "nous n'espérions pas que la découverte de ce nouveau gouffre fasse la une. En réalité, plus de 200 dolines géantes ont été découvertes dans le sud de la Chine par image satellite. Nous venons ensuite sur place pour les confirmer et un peu pour notre plaisir aussi. Il y en a encore beaucoup qui n’ont pas encore été explorées en raison des difficultés d’accès. À ce jour, le nombre de tiankengs explorés s'élève à 30 unités rien que pour le comté de Leye, rapporte le chercheur."

Le caractère isolé de ces grottes leur permet de protéger et de développer des espèces végétales encore inconnues par l’Homme. C’est pourquoi la découverte de nouvelles structures dans ce genre génère un tel engouement. "Les tiankengs font partie des lieux désormais rarissimes où l'Homme ne va pratiquement pas et où la nature conserve d'importantes sources d'énergie. Ils présentent en outre souvent une graduation entre l'environnement extérieur et l'obscurité totale propre aux cavernes. Ils sont sans conteste en eux-mêmes une réserve naturelle de faune et de flore", raconte Jean Bottazzi.

"L’identification de nouvelles espèces réclame la disponibilité de spécialistes"

Le tiankeng récemment découvert comprend des arbres de 40 mètres de haut ainsi qu’un sous-bois très dense et à hauteur d’épaules. Mais les spéléologues n’étant pas botanistes, leur découverte ne leur permet pas de savoir si oui ou non ils ont affaire à de nouvelles espèces. "L’identification de nouvelles espèces réclame la disponibilité de spécialistes qui seraient également capables d'explorer un tiankeng en toute sécurité. En général, cela se passe en deux temps : une fois la cavité répertoriée et topographiée, il est plus facile d'organiser des missions spécialisées, relate le spéléologue."

"Certains tiankengs peuvent néanmoins être exploités par les autochtones, souligne Jean Bottazzi. Les zones de parois praticables sont actuellement de plus en plus souvent utilisées pour installer des ruches pour des productions locales de miel de montagne. Les autochtones, lorsque c'est possible, vont pêcher dans les rivières ou plan d'eau auxquels ils peuvent donner accès. Des temples ont pu être bâtis à leurs abords.  On a plus rarement trouvé d'anciennes tombes installées au fond. Ils sont aussi hélas parfois le lieu d'accidents ou de suicide et les assassins sont tentés d'y jeter leurs victimes", conclut le spéléologue.

Les vidéos et photos prisent sur le terrain ont été récolté par Chen Lixin, un membre récurrent des équipes de spéléologue, spécialisé dans les plans de drone. Cette même équipe est considéré comme "la plus active en terme d'investigation sur les tiangengs", selon Jean Bottazzi. Zhang Yuanhai et Chen Lixin ont déjà prévu de se rassembler pour redescendre dans ce tiankeng, en juin 2022, en incluant, cette fois-ci, des biologistes chargés d'identifier de nouvelles espèces. 

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