15 janvier 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-27.778

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:CO00101

Titres et sommaires

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - faute - octroi de délais de paiement illicites et de prêts en méconnaissance du monopole bancaire - préjudice - nécessité

Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui, pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts d'une société pour faits de concurrence déloyale, retient que les pratiques illicites alléguées n'ont pas été mises en oeuvre dans le cadre d'une stratégie d'éviction et qu'aucun lien n'est établi entre ces pratiques et le préjudice invoqué, sans rechercher, alors qu'il s'infère nécessairement un préjudice d'un acte de concurrence déloyale, si l'octroi de délais de paiement illicites et de prêts en méconnaissance du monopole bancaire n'avait pas pour effet d'avantager déloyalement les franchisés d'une société au détriment des franchisés de la société concurrente, et de porter ainsi atteinte à la rentabilité et à l'attractivité de son réseau

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 janvier 2020




Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 101 FS-P+B

Pourvoi n° V 17-27.778







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Speed Rabbit pizza, société anonyme, dont le siège est [...],

contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Domino's pizza France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...],

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 décembre 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Darbois, Pomonti, Daubigney, Sudre, Michel-Amsellem, M. Ponsot, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lion, Lefeuvre, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport oral de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Speed Rabbit pizza, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Domino's pizza France, l'avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Speed Rabbit pizza que sur le pourvoi incident relevé par la société Domino's pizza France ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Speed Rabbit pizza (la société SRP) intervient sur le marché de la vente à emporter et de la livraison à domicile de pizzas, à travers des points de vente, exerçant sous l'enseigne Speed Rabbit pizza, gérés en exploitation directe, ou, pour la majorité, exploités en franchise par des sociétés indépendantes ; que la société Domino's pizza France (la société DPF) est spécialisée dans la livraison de pizzas à domicile ou à emporter et exerce cette activité à travers un réseau de franchise ; qu'estimant que la société DPF se livrait à des pratiques illicites, constitutives de concurrence déloyale, la société SRP l'a assignée en réparation de son préjudice ; que reconventionnellement la société DPF a demandé la condamnation de la société SRP à lui payer des dommages-intérêts pour dénigrement et procédure abusive ;

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu que la société SRP fait grief à l'arrêt de la condamner à payer la somme de 500 000 euros à la société DPF en réparation des pratiques de dénigrement alors, selon le moyen :

1°/ que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ; que les appréciations portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne physique ou morale qui exploite une entreprise industrielle et commerciale ne peuvent être qualifiées que de diffamation, et non de dénigrement, cette dernière qualification étant réservée aux appréciations touchant les produits, les services ou les prestations d'une telle entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les pratiques reprochées à la société SRP constituaient un dénigrement, et non une diffamation, au motif que « les propos litigieux sont bien relatifs aux services de la société Domino's, à la façon dont ils sont rendus, à leur qualité, aux pratiques prétendument illicites qu'elle met en oeuvre et aux diverses collusions que la société SRP lui impute » ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant seulement relevé des propos relatifs aux pratiques de concurrence déloyale que M. K... reprochait à la société DPF, notamment sur le recours à des délais de paiement illicites, à des méthodes créant des barrières à l'entrée sur le marché, ou à l'absence de réaction des autorités face à ces pratiques, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que les propos reprochés ne pouvaient être poursuivis que sur le fondement d'une éventuelle diffamation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code, et l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

2°/ qu'une pratique dénigrante n'est de nature à engager la responsabilité de son auteur qu'à condition qu'elle lui ait causé un préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à retenir que la société SRP avait dénigré la société DPF, pour allouer à celle-ci une somme de 500 000 euros à titre de dommages-intérêts, au motif qu'un « préjudice s'infère nécessairement de pratiques de concurrence déloyale » après avoir relevé « l'absence de toute étude de l'impact économique » de ce dénigrement par la société DPF et sans faire état d'un quelconque préjudice moral ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations qu'il n'existait aucune preuve d'un quelconque préjudice causé par les écrits et propos allégués de dénigrement imputés à la société SRP, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les pratiques alléguées de dénigrement n'avaient causé aucun préjudice à la société DPF, dès lors que le quizz diffusé en 2010 n'avait conduit à aucune réaction de sa part pendant plusieurs années, que les propos imputés à M. K... avaient eu une diffusion très limitée et que, sur la période considérée, la société DPF avait affiché une croissance continue de son activité et de sa notoriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir analysé un questionnaire diffusé par la société SRP concernant quatre fabricants de pizzas, dont la société DPF, durant un salon professionnel sur la franchise, l'arrêt retient que la teneur de l'ensemble des questions figurant sur ce questionnaire conduisait à des réponses nécessairement péjoratives pour la ou les sociétés désignées par les candidats incités à répondre et que les franchisés pouvaient aisément reconnaître derrière chacune des questions le concurrent visé et notamment la société DPF ; qu'analysant la diffusion de propos sur un réseau social et sur la page « commentaires clients » d'un site marchand, par le président de la société SRP, dont certains concernent les produits de la société DPF, l'arrêt retient que ces propos, accessibles à un large public, donnent une image très dévalorisante de cette dernière ; qu'examinant aussi les propos tenus par le président de la société SRP sur son « blog », indiquant que l'inertie des autorités face aux agissements répréhensibles de la société DPF s'expliquerait par le pouvoir de l'argent, de la politique, des médias et les conflits d'intérêts, prétendant par ailleurs avoir sauvé du suicide des franchisés [...], l'arrêt relève que ces propos sont accessibles à une large audience ; que décrivant les termes d'un article figurant notamment sur le site Internet de la société SRP, l'arrêt relève qu'ils visent le système de franchise de la société DPF, aisément reconnaissable et décrit comme ayant pour objectif notamment de berner le candidat franchisé et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les conditions d'une concurrence loyale et de pervertir les relations fournisseurs-clients ; que l'arrêt relève également que le président de la société SRP a posté sur Internet une vidéo relatant les déclarations du procureur de l'État de New York le 24 mai 2016, où il y manifeste sa joie à l'annonce d'une enquête réalisée par celui-ci, mettant en cause le respect du droit social par le franchiseur américain de l'enseigne [...] ; que l'arrêt relève enfin que le président de la société SRP a adressé des courriels à plusieurs destinataires, dont un responsable d'un groupe de presse australien, des responsables d'une banque et des autorités gouvernementales australiennes, stigmatisant le comportement, selon lui frauduleux, de la société DPF ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que, portant sur la façon dont les services étaient rendus, la qualité des produits et des services de la société DPF, les pratiques prétendument illicites qu'elle mettait en oeuvre et les diverses collusions que la société SRP lui imputait, les propos litigieux étaient constitutifs de dénigrement ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt énonce à bon droit qu'il s'infère nécessairement un préjudice d'un acte de dénigrement ; que, sous le couvert de violation de la loi et de manque de base légale, les griefs des troisième et quatrième branches ne tendent qu'à critiquer l'évaluation souveraine, par la cour d'appel, du montant des dommages-intérêts réparant le préjudice causé à la société DPF ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, et sur le second moyen de ce pourvoi, pris en sa première branche, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société SRP fondée sur le non-respect, par la société DPF, des délais de paiement des sommes dues par ses franchisés, l'arrêt, par motifs adoptés, après avoir écarté comme insuffisamment précis un avis de la commission d'examen des pratiques commerciales et une note d'information de la DGCCRF, ainsi qu'un rapport établi par un cabinet privé, jugé contestable, estime que la preuve des dépassements allégués n'est pas rapportée ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans examiner les documents complémentaires produits en cause d'appel par la société SRP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur ce moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble les articles L. 511-5 et L. 511-7, I, 3°, du code monétaire et financier ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société SRP fondée sur l'invocation de prêts accordés par la société DPF à ses franchisés au mépris des dispositions légales, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les facilités financières en cause l'étaient à titre onéreux et que leur caractère anormal n'est pas démontré ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les facilités en cause ne revêtaient pas la qualification de prêts prohibés par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, sans pouvoir entrer dans la dérogation prévue par l'article L. 511-7, I, 3°, du même code, et par conséquent, sans se prononcer sur le caractère fautif des pratiques suivies par la société DPF en matière de prêts accordés à ses franchisés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur ce moyen, pris en sa neuvième branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société SRP, l'arrêt retient que les délais de paiement des franchisés DPF sont déconnectés de la présence ou non d'un point de vente SRP dans la zone de concurrence, ce qui démontre que leur objet n'est pas de financer une politique d'éviction des franchisés SRP, et que si ces pratiques avaient visé à une telle éviction, elles auraient été ciblées sur les zones de chalandise où un franchisé DPF est en concurrence avec un franchisé SRP ; qu'il retient également qu'aucun lien n'est établi entre l'octroi allégué de délais de paiement et la présence ou l'absence de la société SRP dans la zone de chalandise considérée et que les difficultés que subissent les magasins SRP peuvent provenir de causes externes et s'expliquer par des motifs autres que les pratiques de concurrence déloyale ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il s'infère nécessairement un préjudice d'un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si l'octroi de délais de paiement illicites et de prêts en méconnaissance du monopole bancaire n'avait pas pour effet d'avantager déloyalement les franchisés de la société DPF, au détriment des franchisés de la société SRP, et ainsi de porter atteinte à la rentabilité et à l'attractivité du réseau concurrent exploité par la société SRP, a privé sa décision de base légale ;

Et vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée sur le bien-fondé de l'action entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt relatif à la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal ni sur le pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Speed Rabbit pizza à payer à la société Domino's pizza France la somme de 500 000 euros en réparation des pratiques de dénigrement, l'arrêt rendu le 25 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Domino's pizza France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Speed Rabbit pizza la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Speed Rabbit pizza.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société Speed Rabbit Pizza (SRP) de ses demandes indemnitaires contre la société Domino's Pizza France (DPF) et de l'avoir condamnée à payer à celle-ci la somme de 50.000 € en appel et celle de 487.852 € en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR LES FAUTES DE LA SOCIÉTÉ DOMINO'S PIZZA FRANCE :

I) AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur les délais de paiement, la société Speed Rabbit Pizza (SRP) allègue que la société Domino's Pizza France (DPF) accepterait de ne pas être réglée dans les délais légaux afin d'offrir artificiellement à ses franchisés un avantage concurrentiel indu sur leurs concurrents en vue de les évincer ; que l'avis du 7 mai 2008 du CEPC, sollicité par SRP, ne permet pas, sur la base des éléments comptables mis à la disposition de ses rapporteurs, d'établir cette allégation ; qu'il faudrait encore que preuve soit faite de dépassements significatifs et suffisamment fréquents et que seuls les services de la DGCCRF seraient en mesure de vérifier si le franchiseur a réellement fait preuve de laxisme vis-à-vis de ses franchisés ; que la note d'information de la DGCCRF du 23 juillet 2010 relative au respect des délais de paiement dans le secteur de la restauration livrée a porté sur plus de 300 établissements appartenant â de nombreux réseaux du secteur et a donné lieu, pour les chaînes de pizzas livrées, à 10 notifications d'information, 9 rappels à la réglementation et 4 procès-verbaux ; que SRP n'apporte aucune preuve de la poursuite de DPF sur la base des procès-verbaux transmis au parquet ; que pour prouver cette allégation SRP verse aux débats une simple consultation réalisée pour son compte par le cabinet Sorgem et intitulée « Avis sur la valeur du préjudice subi par SRP du fait des pratiques de concurrence déloyale de DP », qui e fait l'objet de deux livraisons du 13 mars 2012 (pièce 26) et du 3 septembre 2013 (pièce 60) au demeurant non signées et ne faisant aucune mention de leurs auteurs ; que ces analyses, qui ont évolué selon les deux versions présentées, reposent sur des agrégats comptables de sociétés qui ne distinguent pas toujours les dettes du fournisseur DPF des autres dettes de l'exploitation des sociétés concernées ou extrapolent à partir de données indéterminées les ratios qu'elles privilégient de façon arbitraire et non justifiée, introduisant un biais dans leurs résultats, dont il ne saurait être tiré de conclusions définitives, au surplus du fait de leur absence de caractère contradictoire, que, dès lors, SRP ne prouve pas que DPF a organisé une stratégie générale de délais de paiement illicites favorable à l'éviction de leurs concurrents par ses franchisés (jugt, p. 6 et 7) ;

1°) ALORS QU' une concurrence déloyale peut résulter de la commission, par un professionnel, d'un fait illicite qui cause un dommage à l'un de ses concurrents ; que le délai de paiement des sommes dues ne peut, sauf convention contraire entre les parties, dépasser trente jours suivant la réception de la marchandise, et ne peut en toute hypothèse, en cas de dérogation contractuelle, excéder soixante jours à compter de l'émission de la facture ; qu'en l'espèce, la société Speed Rabbit Pizza (SRP) faisait valoir que la société Domino's Pizza France (DPF) pratiquait, avec ses franchisés, une politique de dépassement systématique des délais de paiement imposés par la loi (concl., p. 49) ; qu'elle se fondait sur trois preuves concordantes : un ratio de rotation des comptes clients qui faisait ressortir un délai moyen supérieur à deux mois, et pouvant atteindre près de sept mois, de 1999 à 2014, la restructuration de la dette de nombreux franchisés, par une conversion en prêts des dettes dont le délai de paiement avait été dépassé, et le non-recouvrement des créances par le franchiseur pour soutenir artificiellement ses franchisés en difficultés structurelles ; que pour affirmer néanmoins que la preuve du dépassement des délais légaux n'était pas établie, la cour d'appel a jugé, par motifs réputés adoptés, que la société DPF n'avait pas été poursuivie par la DGCCRF et que les deux études réalisées par la société Sorgem n'étaient pas suffisamment probantes (jugt, p. 6 § 10 à 12) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la preuve d'un dépassement fréquent des délais légaux de paiement résultait du troisième rapport établi par la société Sorgem, produit en cause d'appel, qui avait modifié sa méthodologie sur ce point (not. p. 12 et 17), des procès-verbaux établis par la DGCCRF et de l'ampleur des dettes accumulées par certains franchisés, qui ressortait notamment des pièces annexées aux conclusions d'appel de la société Speed Rabbit Pizza, peu important l'absence de poursuites par la DGCCRF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 de ce code ;

II) AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur la violation des règles du monopole bancaire, la société Speed Rabbit Pizza (SRP) fait valoir que la société Domino's Pizza France (DPF) accorde à ses franchisés des prêts en violation du monopole bancaire prévu par l'article L. 511.5 du code monétaire et financier, leur offrant ainsi un avantage concurrentiel indu sur leurs concurrents en vue de les évincer ; que SRP fait valoir que les comptes annuels de DPF révèlent l'octroi de prêts habituels à ses franchisés ; qu'elle allègue que ces prêts sont prohibés selon l'article L. 515-5 du code monétaire et financier, lequel dispose qu'il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel ; que, pour prouver cette allégation, SRP vise le tableau annuel des filiales et des participations de DPF qui est joint aux comptes annuels ; que celui-ci n'est pas révélateur de conventions « illicites », mais donne des informations sur les relations financières des entreprises ayant entre elles des liens en capital et dont l'article L 511-7 13° du code monétaire et financier autorise la pratique ; que par ailleurs, aux termes de l'article L 511-7 I 1° du code monétaire et financier, les interdictions prévues par l'article L 511-5 du même code ne font pas obstacle à ce qu'une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse dans l'exercice de son activité professionnelle consentir des délais ou des avances de paiement dès lors que ceux-ci sont étroitement liés à son activité commerciale ; que cette position est conforme à l'avis de la Commission bancaire du 12 décembre 2000 et largement partagée par la jurisprudence ; que DPF est le fournisseur exclusif des denrées brutes incorporées dans les pizzas vendues par ses franchisés ; que ce modèle d'affaires est une spécificité de DPF par rapport à ses concurrents ; que ces derniers, indépendamment de la forme sous laquelle ils exercent, laissent aux franchisés la liberté de s'approvisionner auprès de l'un quelconque des fournisseurs agréés qu'ils désignent ; que SRP relève elle-même que les facilités financières en litige sont octroyées à titre onéreux ; que leur caractère supposément anormal n'est pas démontré ; que SRP, consciente de la faiblesse de son argumentation, complète celle-ci en citant notamment l'exemple de la société SERT, franchisée DPF exploitant deux fonds de commerce à Toulouse ; que cet exemple n'est toutefois pas pertinent dans la mesure où le litige entre les deux sociétés porte notamment, aux dires des parties, sur le règlement des dettes non financières du franchisé envers le franchiseur ; que le tribunal ne saurait se satisfaire d'affirmations telles que « L'octroi de prêts aux franchisés relève de la politique générale de DPF à un niveau plus global » pour suppléer à l'absence de preuves permettant de connaître précisément les points de vente concernés, les montants des crédits accordés ainsi que le nombre de cas litigieux ; que la violation du monopole bancaire n'est pas démontrée (jugt, p. 7 et 8) ;

2°) ALORS QU' il est interdit, sous peine de sanctions pénales, à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel ; que cette interdiction ne fait pas obstacle à ce qu'une entreprise puisse, dans l'exercice de son activité professionnelle, consentir à ses cocontractants des délais ou avances de paiement ; que cependant cette faculté suppose que les délais ou avances consentis respectent les prescriptions légales et réglementaires en la matière ; qu'en l'espèce, la société Speed Rabbit Pizza (SRP) faisait valoir que l'exception au monopole bancaire prévue en cas d'octroi de délais ou d'avances de paiement ne pouvait pas s'appliquer aux pratiques de la société Domino's Pizza France (DPF) qui constituaient de véritables prêts proscrits, ne pouvant être assimilés à des délais de paiement (concl., p. 50 et 51) ; que pour débouter la société SRP, la cour d'appel a considéré, par motifs réputés adoptés, que les facilités financières octroyées par la société DPF à ses franchisés l'étaient à titre onéreux et que leur caractère anormal n'était pas démontré (jugt, p. 7 § 9) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il s'agissait de véritables prêts, contrevenant par conséquent au monopole bancaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 511-5 et L. 511-7 I 1° du code monétaire et financier, et de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

3°) ALORS QU' il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel ; que cette interdiction ne fait pas obstacle à ce qu'une entreprise puisse procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l'une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres ; qu'en l'espèce, la société Speed Rabbit Pizza (SRP) faisait valoir que la société Domino's Pizza France (DPF)
prêtait habituellement des sommes d'argent à de nombreux franchisés, notamment par apports en compte courant d'associé, grâce à une participation très minoritaire dans le capital des franchisés concernés (concl., p. 52) ; qu'elle faisait valoir que cette participation n'était pas susceptible de traduire un contrôle sur le franchisé, au sens de l'article L. 511-7 I 3° du code monétaire et financier, autorisant le franchiseur à lui consentir des prêts à titre habituel ; que pour juger néanmoins le contraire, la cour d'appel s'est bornée à considérer, par motifs réputés adoptés, que le tableau annuel des filiales et des participations de DPF n'était pas révélateur de conventions illicites, mais donnait des informations sur les relations financières des entreprises ayant entre elles des liens de capital, l'article L. 511-7 I 3° du code monétaire et financier en autorisant la pratique (jugt, p. 7 § 6) ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le lien en capital invoqué par la société DPF était de nature à lui conférer un contrôle sur ses franchisés, condition nécessaire à la dérogation qu'elle invoquait au monopole bancaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 511-5 et L. 511-7 I 1° du code monétaire et financier, et de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

III) AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'existence d'ententes anticoncurrentielles, la société Speed Rabbit Pizza (SRP) estime que les accords verticaux de nature financière entre une tête de réseau et ses franchisés, en termes de délais de paiement, prêts, comptes d'associés, rachats de fonds, sont constitutifs d'une entente au sens des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE s'ils ont pour objet ou pour effet d'évincer des concurrents ou d'édifier des barrières à l'entrée ; que la société Domino's Pizza France (DPF) rappelle cependant à juste titre que c'est dans le cadre du Règlement par catégorie nº330/2010 de la Commission européenne que doit être appréciée la relation verticale entre le franchiseur DPF et ses franchisés pour déterminer l'existence d'une entente ; qu'au titre de ce Règlement, les accords verticaux sont considérés comme licites dès lors que la part de marché de toutes les parties à ces accords ne dépasse pas 30% et hormis les cas de clauses dites « noires » ; qu'au-delà de ce seuil, les accords verticaux peuvent bénéficier d'une exemption individuelle au cas par cas selon l'article 101 § 3 du TFUE ; que la société SRP ne démontre pas que la société DPF dépasse le seuil de 30% d'un quelconque marché pertinent ; que par ailleurs, l'entente alléguée ne constitue pas un accord sur les prix, les quantités ou répartissant les zones territoriales de vente des franchisés, non exemptable (arrêt, p. 9 § 3 à 7) ;

4°) ALORS QUE sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; que le Règlement de la Commission européenne n°330/2010 du 20 avril 2010 prévoyant l'exemption de certaines pratiques d'entente ne s'applique qu'aux « accords verticaux », définis comme « un accord ou une pratique concertée entre deux ou plusieurs entreprises opérant chacune, aux fins de l'accord ou de la pratique concertée, à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution, et relatif aux conditions auxquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens ou services » ; que l'accord entre un franchiseur et ses franchisés par lequel le premier consent aux seconds des conditions financières telles qu'elles permettent de maintenir, de manière déloyale, le potentiel concurrentiel du réseau de franchise, ne constitue pas un accord vertical au sens de ce texte ; qu'en décidant le contraire, aux motifs impropres qu'il n'était pas démontré que la société Domino's Pizza France (DPF) dépassait le seuil de 30% d'un quelconque marché pertinent au sens du règlement et que l'entente alléguée ne constituait pas un accord sur les prix, les quantités ou répartissant les zones territoriales de vente des franchisés (arrêt, p. 9 § 6), sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 55), si les pratiques dénoncées constituaient un accord vertical au sens du Règlement et entraient dès lors dans son champ d'application, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code, et du Règlement n°330-2010 du 20 avril 2010 ;

IV) AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'existence d'une pratique constitutive d'abus de position dominante, la société Speed Rabbit Pizza (SRP) soutient que la stratégie de la société Domino's Pizza France (DPF) est précisément de créer des barrières à l'entrée sur le marché, en utilisant ses relations avec les membres de son réseau ; que la société SRP soutient que la société DPF est parvenue à limiter, à son profit et à celui de ses franchisés, l'expansion des réseaux concurrents, puis à réduire leur importance tandis que le réseau DPF croissait, que son réseau repose sur une marque notoire, et que la société DPF a construit une position dominante parvenant à 65% de parts de marché parmi les enseignes nationales de franchise ; que la société DPF réplique que la société SRP ne démontre à aucun moment qu'elle détiendrait une position dominante et que l'existence d'une multitude de concurrents et les spécificités du marché, caractérisé notamment par l'absence de barrières à l'entrée, excluent que la société DPF puisse détenir un pouvoir de marché significatif et pérenne sur ses zones de chalandise ; qu'en l'absence de définition du marché pertinent et de la caractérisation d'une position dominante de la société DPF, ce moyen sera également rejeté (arrêt, p. 9 § 8 à 11) ;

5°) ALORS QUE l'abus de position dominante constitue un acte de concurrence déloyale dès lors qu'il cause un dommage à un concurrent de son auteur ; qu'en l'espèce, la société Speed Rabbit Pizza (SRP) faisait valoir qu'il existait un marché national de la pizza livrée ou à emporter, sur lequel intervenaient des enseignes notoires, pour certaines mondiales, la plupart reposant sur le principe de la franchise, qu'il convenait de ne pas confondre avec les marchés locaux sur lesquels les différents franchisés se faisaient concurrence (concl., p. 16) ; qu'elle ajoutait que la société Domino's Pizza France (DPF) détenait en 2016 50,8% des parts de ce marché national en nombre de points de vente et 66% en valeur (concl., p. 17) ; qu'elle faisait également valoir que le développement du réseau DPF reposait sur une stratégie d'ensemble consistant à conquérir des parts de marché au détriment de la rentabilité, de nombreux points de vente [...] ne parvenant pas à équilibrer leurs comptes, et ce afin de créer des barrières à l'entrée du marché, ce qui était même revendiqué par la société DPF pour attirer de nouveaux franchisés, ainsi qu'il résultait d'une plaquette de présentation produite aux débats (concl., p. 21) ; qu'en déboutant cependant la société SRP de ses demandes aux motifs de « l'absence de définition du marché pertinent et de la caractérisation d'une position dominante de la société DPF » (arrêt, p. 9 § 11), sans rechercher, comme elle y était invitée, si le marché pertinent devait s'apprécier de manière duale, la société DPF détenant une position dominante sur le marché national de la pizza livrée ou à emporter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code, et de l'article L. 420-2 du code de commerce ;

6°) ALORS QUE, EN TOUTE HYPOTHÈSE, commet un acte de concurrence déloyale le professionnel qui, par des procédés déloyaux, désorganise le marché sur lequel il exerce son activité, peu important que ces procédés, pris isolément, apparaissent licites ; qu'en l'espèce, la société Speed Rabbit Pizza (SRP) faisait valoir qu'elle reprochait à la société Domino's Pizza France (DPF) l'exploitation abusive de son modèle économique, dit « High Volume Mentality » (HVM), qui reposait sur une stratégie de forclusion du marché, et non de concurrence par les mérites (concl., p. 19 dernier §) ; qu'elle exposait que, dans la mesure où la société DPF était le fournisseur quasi-exclusif de ses franchisés, elle avait perverti ce modèle en consentant à ses franchisés en difficulté des délais de paiement excessifs, puis en convertissant des dettes largement échues en prêt à court ou moyen terme, voire en consentant des abandons de créance, tout en octroyant des prêts à ses franchisés notamment par le biais de comptes courants d'associé (concl., p. 21 et 22 ; p. 23 et s.) ; qu'elle faisait valoir que la combinaison de ces différentes pratiques, qui faisait « système » selon le rapport Sorgem du 21 décembre 2016, avait à la fois pour objet et pour effet de désorganiser la concurrence tant au niveau local que national (concl., p. 60 à 64) ; qu'en se bornant, par motifs propres et adoptés, à affirmer que l'illicéité des pratiques dénoncées, analysées isolément, n'était pas établie, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces pratiques, prises ensemble, s'analysaient en un système permettant aux franchisés DPF de se maintenir sur les marchés locaux malgré de lourdes dettes de fourniture envers leur franchiseur, ce qui revenait à un soutien financier déloyal de nature à désorganiser le bon fonctionnement du marché de la pizza livrée ou à emporter, tant au niveau local que national, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

SUR LE LIEN DE CAUSALITÉ :

AUX MOTIFS QUE le bien-fondé d'une action en concurrence déloyale est subordonné à l'existence d'un fait fautif générateur d'un préjudice ; que peut ainsi constituer une faute la méconnaissance, par un commerçant, de la réglementation qui lui est applicable car, en se dispensant des contraintes imposées par les textes, il s'octroie un avantage par rapport à ses concurrents ; que la société Speed Rabbit Pizza (SRP), en se fondant sur la violation de la réglementation sur les délais de paiement et sur les prêts bancaires, grâce à laquelle la société Domino's Pizza France (DPF) aurait maintenu artificiellement en activité des franchisés non rentables, estime que la société DPF s'est rendue responsable à son égard d'une pratique de concurrence déloyale ; que cette pratique aurait eu pour effet de contraindre ses franchisés SRP à abandonner leur activité ou encore aurait provoqué une baisse de leur chiffre d'affaires, ce qui l'aurait elle-même privée des redevances que ceux-ci lui versent ; que cette pratique aurait également eu pour effet d'entraver le développement du réseau SRP, en érigeant des barrières à l'entrée et provoquer un préjudice d'image ; que les pratiques illégales dont il est fait état se déroulent sur les marchés géographiques locaux sur lesquels les franchisés des deux réseaux vendent leurs prestations aux consommateurs et sur lesquels ils sont en concurrence ; que « les zones de chalandise couvertes par les magasins de livraison de pizza sont restreintes », ainsi que l'Autorité de la concurrence l'a souligné dans une décision 02-D-64 du 23 octobre 2002 ; que la société SRP n'apporte pas la preuve que, sur une zone géographique identifiée, dans laquelle il existerait une concurrence frontale entre un point de vente DPF et un point de vente SRP :
- les franchisés DPF auraient effectivement bénéficié de délais de paiement plus souples ou d'octroi de prêts ;
- ces franchisés en auraient alors profité pour pratiquer une politique commerciale et tarifaire agressive ;
- ce qui aurait conduit à l'éviction effective ou potentielle des franchisés SRP ;
que, sur le premier point, l'étude [...] versée aux débats par la société DPF souligne à juste titre, en amont, l'« absence de démonstration d'un lien entre la présence d'un point de vente SRP et la mise en oeuvre de pratiques anormales de DPF » ; qu'il ressort en effet de cette étude (p. 75) que les délais de paiement des franchisés DPF sont déconnectés de la présence ou non d'un point de vente SRP dans la zone de concurrence, ce qui démontre que leur objet n'est pas de financer une politique d'éviction des franchisés SRP ; qu'en effet, si ces pratiques avaient visé à l'éviction des franchisés SRP, elles auraient été ciblées sur les zones de chalandise où un franchisé DPF est en concurrence avec un franchisé SRP ; qu'aucun lien n'est donc établi entre, d'une part, l'octroi allégué de délais de paiement et, d'autre part, la présence ou l'absence de la société SRP dans la zone de chalandise considérée ; que, sur le deuxième point, si la société SRP prétend que les aides diverses de la société DPF auraient permis à ses franchisés de pratiquer des prix agressifs, elle ne rapporte pas non plus la démonstration d'une corrélation entre ces aides (délais de paiement et prêts) alléguées et la politique commerciale et promotionnelle des franchisés DPF, la façon dont les pratiques illégales influaient sur les prix des franchisés DPF n'étant pas analysée ; qu'au surplus, les franchisés étant supposés fixer librement leurs prix, il n'est pas évident qu'ils profitent d'une aide du franchiseur pour pratiquer des prix bas ; qu'en définitive, la société [...] souligne à juste titre « l'absence de démonstration (par la société SRP) d'un lien entre les pratiques prétendument anormales de DPF et la mise en oeuvre par les franchisés DPF d'une politique commerciale et tarifaire prétendument agressive » ; que, sur le troisième point, le lien de causalité n'est pas démontré entre les pratiques et les dommages prétendument subis par les franchisés SRP et, indirectement par SRP elle-même, au travers d'une baisse des redevances ; que si la société SRP verse aux débats une étude établie par le cabinet Sorgem, mettant en évidence (p. 24 de la pièce 131) que, sur un échantillon de 65 fermetures de points de vente SRP en concurrence avec les franchisés de DPF sur leur zone de chalandise, de 2003 et 2015, 59 fermetures sont consécutives à une pratique « anormale » du point de vente de DPF, cette « consécutivité » ne démontre pas un lien de causalité, mais le présume alors que les difficultés que subissent les magasins SRP peuvent provenir de causes externes (événements conjoncturels, erreurs de management ou de stratégie, crise économique, structure des coûts mal maîtrisée : cf rapport Mapp, p. 32, pièce 33 de DPF) ; qu'il en est de même de l'étude de l'échantillon de 103 points de vente de la société SRP, concurrents des points de vente de DPF, sur la période 2003 et 2015 ; que si ces études établissent que 103 points de vente de SRP ont connu une baisse de chiffre d'affaires et que 66 sur ces 103 ont connu cette baisse à la suite d'une pratique anormale de DPF (p. 26), là encore, le lien de causalité est présumé ; qu'il n'est pas tenu compte de la concurrence exercée par d'autres points de vente que ceux de DPF ; qu'aucun lien de causalité entre les prétendues fautes et le préjudice invoqué n'est établi, les dommages allégués pouvant s'expliquer par des motifs autres que les pratiques de concurrence déloyale ; qu'au demeurant, les rapports Mapp produits par la société DPF démontrent clairement que toute stratégie d'exclusion, telle que celle soutenue par la société SRP, était vouée à l'échec sur un marché aussi concurrentiel que celui de la vente de pizzas ; que, sans qu'il soit besoin d'évaluer les pratiques prétendument illégales alléguées par la société SRP, il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société SRP de ses demandes au titre de la concurrence déloyale (arrêt, p. 8) ;

7°) ALORS QUE le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur une expertise non contradictoire réalisée à la demande de l'une des parties, lorsque cette expertise n'est pas corroborée par des éléments extérieurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a exclu tout lien de causalité entre les fautes reprochées à la société Domino's Pizza France (DPF) et le préjudice subi par la société Speed Rabbit Pizza (SRP) en considérant qu'il résultait de l'étude [...], versée aux débats par la société DPF, « l'absence de démonstration d'un lien entre la présence d'un point de vente SRP et la mise en oeuvre de pratiques anormales de DPF » (arrêt, p. 8 § 4), que, selon cette étude, les fermetures de points de vente SRP pouvaient s'expliquer par d'autres causes que les comportements imputés à DPF (arrêt, p. 8 § 7) et que « les rapports Mapp produits par la société DPF démontrent clairement que toute stratégie d'exclusion telle que celle soutenue par la société SRP, était vouée à l'échec sur un marché aussi concurrentiel que celui de la vente de pizzas » (arrêt, p. 8 dernier §) ; qu'en se prononçant ainsi par la seule référence aux études [...], qui n'avaient pas été établies contradictoirement et qui étaient expressément contestées par la société SRP, sans relever d'éléments extérieurs les corroborant, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe d'égalité des armes tel qu'il résulte de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

8°) ALORS QUE le lien de causalité se prouve par tout moyen, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes ; qu'en l'espèce, en jugeant que le lien de causalité allégué par la société Speed Rabbit Pizza (SRP) n'était pas démontré, mais seulement « présumé », au regard des éléments produits aux débats (arrêt, p. 8), la cour d'appel a considéré que la preuve du lien de causalité entre les fautes reprochées à la société Domino's Pizza France (DPF) et le préjudice subi par la société SRP ne pouvait pas être rapportée par le seul recours à des présomptions ; qu'en se prononçant ainsi, en méconnaissance de la liberté de la preuve du lien de causalité, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1353 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenus les articles 1353 et 1382 du même code ;

9°) ALORS QUE l'acte de concurrence déloyale qui cause un préjudice à un concurrent expose son auteur à en réparer les conséquences ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'il n'existait aucun lien de causalité entre les délais de paiement et les prêts octroyés par la société Domino's Pizza France (DPF) à ses franchisés et le préjudice subi par la société Speed Rabbit Pizza (SRP) en retenant que, selon l'étude [...], « les délais de paiement des franchisés DPF sont déconnectés de la présence ou non d'un point de vente SRP dans la zone de concurrence, ce qui démontre que leur objet n'est pas de financer une politique d'éviction des franchisés SRP », et que « si ces pratiques avaient visé à l'éviction des franchisés SRP, elles auraient été ciblées sur les zones de chalandise où un franchisé DPF est en concurrence avec un franchisé SRP », pour en conclure qu'« aucun lien n'est établi entre, d'une part, l'octroi allégué de délais de paiement et d'autre part la présence ou l'absence de la société SRP dans la zone de chalandise considérée » (arrêt, p. 8 § 5) ; qu'en se prononçant ainsi, par des considérations seulement relatives à la situation de concurrence locale entre un franchisé DPF et un franchisé SRP, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'octroi de délais de paiement illicites et de prêts en méconnaissance du monopole bancaire s'inscrivaient dans une stratégie globale et nationale d'éviction des concurrents de la société DPF, c'est-à-dire notamment des franchiseurs, en maintenant artificiellement en activité des franchisés DPF qui, si le jeu de la libre concurrence avait été respecté, auraient cessé leur exploitation ou auraient choisi un autre réseau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

10°) ALORS QUE la société Speed Rabbit Pizza (SRP) faisait valoir que les pratiques de la société Domino's Pizza France (DPF), qui était le fournisseur quasi exclusif de ses franchisés, aboutissaient, en octroyant des délais de paiement et des prêts à ses franchisés, à leur permettre de maintenir leur activité artificiellement, ce qui nuisait au jeu normal de la concurrence entre les franchisés en allégeant les charges supportées par les franchisés DPF, par une compression volontaire de leurs marges aboutissant indirectement à une égale compression des marges des réseaux concurrents (concl., p. 56) ; qu'en considérant que la corrélation entre les aides apportées par la société DPF à ses franchisés et la politique commerciale et promotionnelle des franchisés DPF n'était pas établie dans la mesure où l'influence de ces pratiques sur les prix n'était pas analysée et où il n'était « pas évident » que les franchisés DPF profitent d'une aide du franchiseur pour pratiquer des prix bas, tandis que l'influence des pratiques dénoncées sur les prix pratiqués était indifférente, et qu'il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 58) si ces pratiques, en permettant de maintenir artificiellement en activité des franchisés DPF, avaient désorganisé le marché national des pizzas livrées ou à emporter en entraînant indirectement une compression des marges des réseaux concurrents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Speed Rabbit Pizza (SRP) à payer la somme de 500.000 € à la société Domino's Pizza France (DPF) en réparation des pratiques de dénigrement et de l'avoir condamnée à payer à celle-ci la somme de 50.000 € en appel et celle de 487.852 € en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la loyauté des affaires doit être conciliée avec le principe constitutionnel de la liberté d'expression et seuls les abus de ce droit peuvent être sanctionnés ; que le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d'un acteur économique qui cherche à bénéficier d'un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier ; que, sur le quizz, la société SRP a diffusé lors du salon de la franchise, qui s'est tenu du 14 au 17 mars 2010, un questionnaire concernant quatre fabricants de pizzas, destiné aux visiteurs du salon, et exposé pendant trois jours, présenté sous la forme de quizz et comportant plusieurs questions, au regard desquelles il fallait cocher une case correspondant à un des quatre fabricants de pizza : [...] , [...] et Boîte à pizza ; que chaque réponse visait une des trois concurrentes de SRP ; que c'est ainsi par exemple que la question « qui octroie des délais de paiement très largement supérieurs à la loi, preuve de la faible rentabilité du concept » visait [...] ; que la teneur même de l'ensemble des questions figurant sur ledit quizz conduisait à des réponses nécessairement péjoratives pour la ou les sociétés désignées par les candidats incités à répondre ; que les franchisés pouvaient aisément reconnaître derrière chacune des questions le concurrent visé et notamment [...] ; qu'un tel procédé excède les limites de la communication à laquelle tout opérateur économique peut avoir légalement recours dès lors qu'il entraîne une dévalorisation obligée des produits, enseignes ou marque désignés par la personne répondant audit quizz ; que cette pratique, largement diffusée à tous les franchisés du salon, constitue une pratique dénigrante ; que, sur la diffusion de propos sur Twitter et sur la page « commentaires clients » d'Amazon par le président de Speed Rabbit Pizza (SRP) ; qu'il résulte des pièces versées au dossier qu'en réaction à un ouvrage de H... J... de la société Havas, le président de SRP a écrit, le 9 décembre 2012, deux tweet ainsi rédigés : « H... J... (Havas) + Domino's at Le Web 2012 = Soviet propaganda » et « Havas et Domino's presents sur le Web 2012, dès lors l'exemple tronqué que H... J... assène matin midi et soir, c propagande soviétique » ; que par ailleurs, sur la page « commentaires clients » de l'ouvrage de H... J..., sur Amazon, le président de SRP a écrit le 19 décembre 2012 : « la photo que vous décrivez dans votre livre comme authentique ne l'est pas dès lors qu'elle est couplée à un message qui annonce des produits frais qui ne le sont pas dans les faits : certains des produits sont en phase de décongélation (décongelés donc (
). Si vous indiquez lors de vos shows une corrélation entre la hausse du cours en bourse (
) et l'authenticité des produits, c'est également une pure invention de votre part (
). Domino's Pizza est mon concurrent, je ne respecte pas leurs méthodes qui consistent à marketer la fraude, dont finalement vous vous faites complices et dont vous faites l'apologie » ; que ces propos, accessibles à un large public et donnant une image très dévalorisante de la société [...] , constituent des pratiques de dénigrement ; que, sur les propos tenus par le président de SRP sur son blog Médiapart, se faisant l'écho d'un article paru dans Médiapart le 14 décembre 2013 intitulé « les curieuses recettes de [...] », le président de SRP a créé un blog dans lequel il prétend que l'inertie des autorités face aux agissements répréhensibles de la société DPF s'expliquerait par le pouvoir de l'argent, de la politique, des médias et les conflits d'intérêts, prétendant par ailleurs avoir sauvé du suicide des franchisés [...] ; qu'il y expose clairement que, selon lui, si les agissements répréhensibles de DPF ne sont pas sanctionnés, c'est à cause d'une collusion générale de la presse, de la justice et des avocats ; que ces propos, émanant du président d'une société connue, ont une portée notable, sont de nature dénigrante et sont accessibles à une large audience ; que, sur la diffusion sur le site Internet de SRP et dans les pages du nouvel économiste d'un article intitulé « l'ultime razzia : the killing », sous le nom de « Qubiq », qui vise de façon assez évidente la société [...] , la société SRP reprend l'intégralité de ses griefs à son encontre ; qu'à travers ce nom d'emprunt, la société [...] est aisément reconnaissable, puisqu'il est précisé qu'il s'agit du marché de la pizza ; que les propos contenus dans cet article constituent également des pratiques de dénigrement puisque le système Qubiq est décrit comme ayant pour objectif de « berner les actionnaires non dirigeants avec la complicité de banquiers (...), berner le candidat franchisé, futur soldat chargé de constituer au seul profit du franchiseur Qubiq le monopole absolu du marché de la pizza (...), berner la DGCCRF sur les conditions d'une concurrence loyale, (
) pervertir les relations fournisseurs-clients en fraudant ouvertement et continuellement, (
) minimiser (
) le montant de son imposition au titre de l'impôt sur les sociétés en France » ; que, sur les nouveaux actes de concurrence déloyale allégués par la société [...] , [
] elle expose également que le président de SRP a posté une vidéo relatant les déclarations du procureur de l'État de New York le 24 mai 2016, sur Youtube, avec des commentaires à caractère dénigrant ; que le président de SRP y manifeste sa joie à l'annonce d'une enquête réalisée par le procureur de l'État de New York, mettant en cause le respect du droit social par le franchiseur américain de l'enseigne [...] ; qu'il remet en cause également l'impartialité des juges du tribunal de commerce en France qui ont rendu le jugement dont il est fait appel ; que par ailleurs, il a adressé des mails à plusieurs destinataires, dont un responsable d'un groupe de presse australien, des responsables de D... P... et des autorités gouvernementales australiennes, stigmatisant « Domino's qui n'avance sur le territoire français que grâce à des fraudes », « Dominos' fraudeur », « Domino's Pizza France a fraudé et fraude pour se développer rapidement et créer une barrière à l'entrée », « je n'aurai de cesse de dénoncer [...] comme étant une machine à frauder » ; que dans un autre mail du 7 novembre 2016, il écrit « suite au mail du 1er novembre, nous continuerons à vous fournir les preuves des 'actes de piraterie' commis par [...] en France, en toute impunité » ; « la mise en lumière de ces 'actes de piraterie' sera permanente, rien ne nous arrêtera - ni les trois points de Domino's - ni ses influences, ni même les menaces physiques des complices de Domino' s » ; que tous ces propos, qui dépassent la simple liberté d'expression, sont de caractère dénigrant ; que la société Speed Rabbit Pizza ne saurait s'en exonérer en soutenant que les propos imputés à son président étaient tenus à titre personnel et ne sauraient en tout état de cause engager sa responsabilité et que les pratiques relèveraient, à les supposer constituées, tout au plus de l'infraction de diffamation et non de dénigrement ; qu'en effet, le président s'exprime, en qualité de professionnel, sur l'exercice de la concurrence sur le marché des pizzas et, ce faisant, il engage la responsabilité de sa société ; que la diffusion de ces propos, par tweet, articles, blog et sur le site Amazon, ou encore par mails adressés à des personnes influentes dans le secteur, témoigne de sa volonté de répandre largement son appréciation sur le comportement commercial de la société Domino's, qu'il estime constitutif de nombreuses illégalités ; que l'infraction de diffamation suppose l'imputation de faits précis caractérisant une atteinte à l'honneur ou à la réputation d'une personne physique ou morale, conformément à l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; que les propos litigieux sont relatifs aux services de la société Domino's, à la façon dont ils sont rendus, à leur qualité, aux pratiques prétendument illicites qu'elle met en oeuvre et aux diverses collusions que la société SRP lui impute ; que si la société [...] demande l'allocation d'une somme complémentaire de 350 000 € pour les nouvelles pratiques signalées, venant s'ajouter au 1,3 million alloués par les premiers juges, et si un préjudice s'infère nécessairement de pratiques de concurrence déloyale, il y a lieu, en l'absence de toute étude de l'impact économique, sur la société Domino's, des propos dénigrants, de réduire à 500.000 € le montant des dommages-intérêts à allouer à cette société pour toutes les pratiques de dénigrement, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception d'ultra petita du jugement (arrêt, p. 11 à 14) ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE l'acte de concurrence déloyale par dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits, l'entreprise ou la personnalité d'un concurrent pour en tirer profit ; que la teneur de l'ensemble des questions figurant dans le quizz SRP (pièce 32 du demandeur) diffusé lors du salon de la franchise de mars 2010 conduit, ainsi que l'a déjà jugé la cour d'appel de Paris, à des réponses nécessairement péjoratives pour les sociétés, parmi lesquelles DPF, désignées par les candidats incités à répondre ; qu'à cet égard le quizz comporte en effet des questions telles que : « qui décongèle des ingrédients avant livraison en points de vente et qui feint de vendre des pizzas fraiches aux consommateurs ? », « qui prétend être depuis 1986 président de la SAS gérante d'un réseau de franchises alors même qu'il a été interdit de gérer pendant cinq ans ? », « quel franchiseur côté en bourse ne publie pas ses bilans depuis 2002 alors que la loi l'y oblige ? » ; qu'un tel procédé excède les limites de la communication à laquelle tout opérateur économique peut avoir légalement recours dès lors qu'il entraîne obligatoirement une dévalorisation des produits, enseigne ou marque désignés par la personne répondant audit quizz ; que le bruit de fond entretenu par M. Q... K..., président de SRP, sur son blog, faisant écho à un article de presse et stigmatisant la prétendue inertie des autorités face aux agissements allégués de DPF, ou à travers son compte Twitter, par des messages des 9 et 19 décembre 2012, excède largement la critique confraternelle qu'un agent économique peut porter sur son concurrent ou la discussion constructive que l'on peut entretenir sur son modèle économique (jugt, p. 8 et 9) ;

1°) ALORS QUE le dirigeant d'une personne morale n'engage la responsabilité de cette dernière qu'au titre des actes fautifs qu'il commet dans l'exercice de ses fonctions ; que les propos qu'il tient à titre personnel, sans préciser sa qualité, ne peuvent être imputés à la personne morale qu'il dirige ; qu'en décidant néanmoins que les propos tenus à titre personnel par M. K... sur son compte Twitter, sur la page « commentaires clients » du site internet Amazon.fr consacrée à la commercialisation d'un ouvrage rédigé par M. H... J..., sur son blog Médiapart, dans une vidéo diffusée sur Youtube ou encore dans des courriels, engageaient la responsabilité de la société Speed Rabbit Pizza pour dénigrement, au motif que « le président s'exprime, en qualité de professionnel, sur l'exercice de la concurrence sur le marché des pizzas et ce faisant il engage la responsabilité de sa société » (arrêt, p. 13 § 9), la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

2°) ALORS QUE les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ; que les appréciations portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne physique ou morale qui exploite une entreprise industrielle et commerciale ne peuvent être qualifiées que de diffamation, et non de dénigrement, cette dernière qualification étant réservée aux appréciations touchant les produits, les services ou les prestations d'une telle entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les pratiques reprochées à la société Speed Rabbit Pizza (SRP) constituaient un dénigrement, et non une diffamation, au motif que « les propos litigieux sont bien relatifs aux services de la société Domino's, à la façon dont ils sont rendus, à leur qualité, aux pratiques prétendument illicites qu'elle met en oeuvre et aux diverses collusions que la société SRP lui impute » (arrêt, p. 14 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant seulement relevé des propos relatifs aux pratiques de concurrence déloyale que M. K... reprochait à la société Domino's Pizza France (DPF), notamment sur le recours à des délais de paiement illicites, à des méthodes créant des barrières à l'entrée sur le marché, ou à l'absence de réaction des autorités face à ces pratiques, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que les propos reprochés ne pouvaient être poursuivis que sur le fondement d'une éventuelle diffamation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code, et l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

3°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, une pratique dénigrante n'est de nature à engager la responsabilité de son auteur qu'à condition qu'elle lui ait causé un préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à retenir que la société Speed Rabbit Pizza (SRP) avait dénigré la société DPF, pour allouer à celle-ci une somme de 500.000 € à titre de dommages-intérêts, au motif qu'un « préjudice s'infère nécessairement de pratiques de concurrence déloyale » après avoir relevé « l'absence de toute étude de l'impact économique » de ce dénigrement par la société DPF (arrêt, p. 14 § 2) et sans faire état d'un quelconque préjudice moral ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations qu'il n'existait aucune preuve d'un quelconque préjudice causé par les écrits et propos allégués de dénigrement imputés à la société SRP, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

4°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 75 à 77 et p. 80), si les pratiques alléguées de dénigrement n'avaient causé aucun préjudice à la société DPF, dès lors que le quizz diffusé en 2010 n'avait conduit à aucune réaction de sa part pendant plusieurs années, que les propos imputés à M. K... avaient eu une diffusion très limitée et que, sur la période considérée, la société DPF avait affiché une croissance continue de son activité et de sa notoriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Domino's pizza France.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société DPF pour procédure abusive ;

Aux motifs propres que « Le droit d'agir en justice, droit fondamental, ne dégénère en abus de droit que lorsque l'action en justice, manifestement vouée à l'échec, est intentée dans l'intention de nuire. Or, le nombre de pièces versées au dossier et les saisines des autorités administratives, de la DGCCRF, ainsi que des DDCCRF, ne traduisent pas en soi un acharnement procédural particulier devant la justice. Les multiples saisines de tribunaux de commerce afin de contraindre les franchisés DPF à publier leurs comptes ou les saisines de tribunaux administratifs pour obtenir communication des procès-verbaux d'enquête dressés par les DIRECCTE au niveau local s'expliquent par l'existence de nombreux marchés locaux et ne traduisent pas en soi la volonté de nuire, mais d'avoir une vue exhaustive du réseau de DPF. Enfin, les assignations de franchisés SRP sur des fondements identiques à ceux de la présente procédure peuvent s'expliquer par un changement de tactique procédurale. Le caractère exorbitant des demandes de dommages et intérêts ne lie pas les juridictions et ne saurait donc en soi faire grief. En outre la société DPF qui allègue une désorganisation de son réseau, la dégradation des relations avec ses franchisés et une image ternie dans la presse ainsi qu'auprès des investisseurs n'en apporte aucun commencement de preuves. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société SRP à payer à la société DPF la somme de 1 300 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et désorganisation » ;

Alors que toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ; qu'en jugeant que le droit d'agir en justice ne dégénère en abus de droit que lorsque l'action en justice est intentée dans l'intention de nuire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code.

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