Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (ici à Boutcha, le 2 avril 2022).

Volodymyr Zelensky (ici à Boutcha, le 2 avril 2022) est tout l'opposé d'un Vladimir Poutine caparaçonné dans son bunker.

RONALDO SCHEMIDT / AFP

Pour parler au peuple ukrainien, ce 31 mars, Volodymyr Zelensky s'est posté devant la maison aux Chimères, dans le coeur historique de Kiev. "Il est important que chacun montre de la retenue, dit-il. Retenue dans l'émotion comme dans l'inquiétude. Car d'autres batailles nous attendent. Le chemin qu'il nous reste à parcourir est très difficile." Le ton est martial, presque churchillien. Celui d'un président devenu héros national. A ses compatriotes, le chef de guerre Zelensky promet de la sueur et des larmes... et leur insuffle l'espoir.

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Tenue kaki et collier de barbe, Zelensky est tout l'opposé d'un Vladimir Poutine caparaçonné dans son bunker. Elu par la volonté du peuple, il ne se bat pas pour assouvir un rêve de grandeur nauséabond, mais pour faire respecter le droit. L'Ukraine, souveraine et indépendante, lutte pour choisir son destin. A force de le clamer, son président a emporté l'adhésion des Occidentaux. Aux portes de l'Union européenne (UE), Zelensky incarne nos valeurs, celles d'un monde démocratique menacé par un Poutine plus dangereux que jamais.

Qui aurait imaginé pareille métamorphose ? Même les scénaristes de Serviteur du peuple, la série dans laquelle Zelensky, lorsqu'il était comédien, jouait son propre rôle, celui d'un citoyen propulsé au pouvoir, n'auraient pas osé aller aussi loin... Alors que les troupes russes se massaient aux frontières de son pays, en janvier, le président ukrainien semblait isolé. Sa popularité était au plus bas, ses réformes s'enlisaient et ses députés quittaient le navire. Les investisseurs fuyaient le pays. Et les chancelleries occidentales doutaient de ses capacités à diriger le pays.

Et puis, ce fut la guerre. Le 24 février, les premiers chars entrent en Ukraine. Zelensky déclare la loi martiale. Rompt les relations diplomatiques avec Moscou. Nationalise les biens du gouvernement russe. "Ces actions courageuses ont montré aux Ukrainiens qu'il avait l'intention de se battre, relate l'analyste Kostyantyn Batozsky, à Kiev. A partir de ce jour, tout le monde l'a suivi." Sa décision de rester dans son bureau présidentiel, alors que les troupes russes atteignent les faubourgs de la capitale, galvanise l'armée. "Il a su capter l'état d'esprit du pays, commente Mykola Davydiuk, directeur du think tank Politics. Malgré son infériorité numérique, la population était prête à se battre. Elle n'avait pas peur. Zelensky est devenu le symbole de cette résistance." Sa réponse aux Américains, qui lui proposaient de l'évacuer, a le panache d'un Cambronne à Waterloo : "J'ai besoin de munitions antichars, pas de faire une balade !"

Symbole de la lutte contre la tyrannie

Ce sens de la formule, Zelensky en usera largement envers les Occidentaux, encore réticents, au lendemain de l'invasion, à lui fournir des armes - Allemagne en tête. Mais lorsque Poutine ordonne de bombarder les villes, les Européens prennent conscience que l'ogre russe ne s'arrêtera pas forcément à l'Ukraine. Moldavie, Géorgie et pays Baltes pourraient tomber à leur tour. Zelensky devient le symbole d'une lutte héroïque contre la tyrannie.

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A Washington, Berlin ou Bruxelles, ses discours poignants font mouche. "J'ai presque 45 ans, dit-il au Congrès américain. Aujourd'hui, mon existence s'est arrêtée lorsque le coeur de plus de 100 enfants a cessé de battre. Je ne vois aucun sens à la vie si elle ne peut pas arrêter la mort." Des mots habiles destinés aux opinions publiques, décrypte Kostyantyn Batozsky : "Les politiciens sont très indécis et, pour certains, favorables à Poutine. Plutôt que de traiter avec eux, Zelensky s'adresse à leurs peuples. En montrant des photos des villes bombardées, il incite les citoyens à faire pression sur leurs gouvernants. Cette stratégie semble fonctionner. Les Européens voient l'Ukraine sous un jour différent."

En quelques semaines, "il est devenu un symbole pour la liberté et la démocratie", opine Christoph Heusgen, président de la Conférence de Munich sur la sécurité, qui espère que le président ukrainien, lorsque la paix reviendra, "profitera de la sympathie dont il jouit au sein de l'UE pour instaurer une bonne gouvernance et lutter contre la corruption".

Mykola Davydiuk va plus loin : "Zelensky ne sera pas le même président qu'avant la guerre. Il se servira de sa nouvelle stature pour faire entrer l'Ukraine dans la famille européenne. N'avons-nous pas montré que nous sommes prêts à mourir pour ses valeurs ?" Déjà, "Zelensky le démocrate" a séduit la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen : "Les Ukrainiens font partie de nous et nous voulons qu'ils nous rejoignent", a-t-elle dit récemment. Une lueur d'espoir pour un pays blessé à mort.

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