L’UE approuve l’embargo sur le charbon russe, mais voit déjà plus loin

European Council President Charles Michel said the package would be "swiftly approved", which is likely to be Friday (8 April). [European Council]

Les États membres de l’UE ont approuvé ce jeudi (7 avril) un embargo sur le charbon russe et la fermeture des ports de l’Union aux navires russes en réaction à la guerre menée par Moscou en Ukraine, mais les regards se tournent déjà vers ceux qui pourraient faire obstacle à d’éventuelles sanctions futures dans le domaine de l’énergie.

Un fonctionnaire de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) a déclaré que cette dernière décision constituait le fer de lance d’une cinquième série de sanctions « très substantielles » à l’encontre de Moscou.

Comme l’a proposé la Commission européenne mardi (5 avril), le cinquième train de sanctions introduira un embargo sur le charbon en provenance de Russie, avec un délai de grâce de quatre mois pour permettre l’expiration des contrats en cours.

Les prochaines sanctions de l'UE contre la Russie viseront les importations de charbon et les transports maritime et routier

La Commission européenne a proposé un ensemble de nouvelles sanctions radicales à l’encontre de la Russie, notamment l’interdiction des importations de charbon, dans le cadre d’une première tentative visant à réduire les exportations énergétiques de la Russie.

C’est la première fois que l’Europe vise le secteur de l’énergie, dont elle est fortement dépendante puisqu’elle importe 45 % de son charbon de Russie pour un montant de 4 milliards d’euros par an.

Toutefois, l’embargo entrera en vigueur début août, soit 120 jours après la publication du nouveau paquet au journal officiel de l’UE, une date qui a fait l’objet de nombreux changements et de vives disputes au cours des discussions. La Pologne a notamment cherché à raccourcir cette période de transition, en vain.

La liste des produits russes interdits dans l’UE est également étendue à certaines « matières premières et équipements critiques » pour un montant à 5,5 milliards d’euros par an, et ce afin de mettre un terme au financement de l’effort de guerre du Kremlin en Ukraine.

Le paquet de sanctions comprend également une interdiction d’exporter vers la Russie qui représente 10 milliards d’euros et comprend notamment des produits de haute technologie, le gel des avoirs de plusieurs banques russes ainsi que l’inscription sur une liste noire des deux filles du président russe Vladimir Poutine ainsi que de l’oligarque Oleg Deripaska, qui a jusqu’à présent échappé à une inclusion sur la liste des sanctions.

En plus des sanctions, les États membres du bloc ont également soutenu une proposition visant à augmenter de 500 millions d’euros le financement des livraisons d’armes à l’Ukraine dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix (FEP), le troisième complément faisant passer ce financement à un total de 1,5 milliard d’euros.

Le président du Conseil européen, Charles Michel, a déclaré que le paquet serait « rapidement approuvé », ce qui devrait être le cas ce vendredi (8 avril).

La Russie « va subir une longue descente dans l’isolement économique, financier et technologique », a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.

Le pétrole : cible des prochaines sanctions ?

« Nous travaillons sur des sanctions supplémentaires, y compris sur les importations de pétrole, et nous réfléchissons à certaines idées présentées par les États membres, comme des taxes ou des voies de paiement spécifiques telles qu’un compte séquestre », a expliqué Mme Von der Leyen lors de l’annonce de la proposition du cinquième paquet.

Jusqu’à la semaine dernière, l’Allemagne et l’Autriche s’étaient fermement opposées à l’idée de cibler le pétrole ou le gaz.

Berlin, qui a évoqué une indépendance presque totale vis-à-vis du gaz russe d’ici à la mi-2024, a fait valoir qu’un embargo immédiat et complet aurait des conséquences économiques et politiques plus graves pour l’UE que pour la Russie.

Cependant, certains diplomates européens disent avoir constaté que Berlin accepte progressivement de passer à un embargo sur le pétrole.

À huis clos, plusieurs ambassadeurs de l’UE ont évoqué cette semaine la nécessité d’une telle mesure.

Entre-temps, jeudi, une majorité écrasante de législateurs européens a exigé un « embargo complet immédiat » sur le pétrole, le gaz et le charbon russes.

Les dirigeants européens à Bruxelles, ainsi que la France, l’Italie, la Pologne et les pays baltes, sont tous d’accord pour aller plus loin dans les sanctions visant l’énergie russe.

Jeudi, le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a appelé à un arrêt des importations de pétrole russe « dans quelques semaines ».

Mercredi, le Premier ministre italien Mario Draghi avait également appelé à l’adoption de nouvelles mesures, demandant aux Italiens : « Préférez-vous la paix ou le climatiseur allumé ? C’est la question que nous devons nous poser ».

Point d’interrogation Hongrie

En ce qui concerne la Hongrie, il est devenu évident que Budapest pourrait devenir le plus grand opposant aux sanctions de l’Union européenne sur le pétrole russe.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui vient d’être réélu, a déclaré publiquement qu’il bloquerait les sanctions sur le pétrole et le gaz, car cela représenterait une « ligne rouge », puisque couper les importations d’énergie russe « tuerait la Hongrie ».

Toutefois, certains diplomates de l’UE affirment qu’étant donné que le pays est plus dépendant du gaz russe que du pétrole, il pourrait y avoir une marge de manœuvre pour le remplacer par d’autres fournisseurs.

Pour l’instant, nombreux sont ceux qui, à Bruxelles, pensent que M. Orban, malgré ses attaques publiques contre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et sa rhétorique favorable à Vladimir Poutine, ne tentera pas d’opposer son veto aux futures sanctions de l’UE.

Les sanctions de l’UE doivent être prises à l’unanimité, mais EURACTIV a appris que certains fonctionnaires de l’UE se sont penchés sur des options juridiques sur la manière de contourner les éventuels blocages.

L’une de ces options consiste à ce que les États membres de l’UE, à l’exception de l’objecteur unique, imposent les sanctions proposées de manière bilatérale à Moscou.

Cependant, les fonctionnaires de l’UE affirment qu’une telle option devrait être le « dernier recours », car elle porterait un coup à l’unité européenne que le bloc veut projeter face à Moscou.

Un autre élément à prendre en considération est l’article 31, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne (TUE), qui autorise, dans certaines circonstances, le vote à la majorité qualifiée pour les décisions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) si elles concernent les « intérêts stratégiques de l’Union ».

Interrogé sur la possibilité de l’appliquer également dans le cas de sanctions, un fonctionnaire de l’UE travaillant sur la question a toutefois déclaré que ce serait « juridiquement difficile » car cela « dépendrait du régime de sanctions et des critères qui y sont liés ».

Si les États membres devaient être prêts à aller de l’avant avec de nouvelles sanctions énergétiques, la décision sera probablement laissée aux dirigeants de l’UE.

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