L’intérêt économique de recourir aux pesticides en agriculture pourrait-il être remis en cause par la simple prise en compte du coût de leurs dégâts collatéraux ? A cette question récurrente, une équipe franco-belge apporte de nouveaux éléments de réponse avec la publication, lundi 21 novembre, dans la revue Frontiers in Sustainable Food Systems, d’une méthode d’évaluation de ces « coûts cachés » et d’une première estimation.
Avec les données aujourd’hui disponibles, l’agronome Philippe Baret (Université catholique de Louvain, Belgique), Christophe Alliot (bureau d’études Basic) et leurs collègues observent que ces coûts peuvent être chiffrés, pour la France, à un minimum annuel de 372 millions d’euros (au niveau de 2017), mais qu’ils pourraient s’élever à 8,2 milliards d’euros. « La réalité se trouve quelque part entre ces deux valeurs », résume M. Alliot.
Pourquoi une incertitude de cette ampleur ? Les auteurs ont d’abord cherché à identifier la nature des coûts sociaux induits par l’usage des pesticides. Ils les ont classés en quatre catégories : les frais de réparation des dégâts sanitaires, ceux liés aux effets délétères sur l’environnement au sens large, le montant des subventions publiques et, enfin, les frais de gestion réglementaire de ces produits.
Sur le front sanitaire, les auteurs n’ont considéré que certains cancers du système lymphatique et la maladie de Parkinson. Ce sont les pathologies officiellement associées à l’exposition professionnelle aux pesticides et pour lesquelles des travaux épidémiologiques permettent d’estimer le nombre de malades. Résultat : en évaluant le nombre de personnes victimes de ces produits et le prix moyen des traitements, les auteurs concluent à un coût de 48,5 millions d’euros.
Subventions directes
Mais tout ce qui n’a pu être chiffré a été ignoré dans le calcul. « Les maladies professionnelles liées aux pesticides ne représentent sans doute qu’une petite partie des conséquences sanitaires de l’usage de ces produits, explique M. Baret. Il n’existe aujourd’hui pas de données suffisamment robustes sur leur impact pour attribuer le coût des maladies à l’exposition aux pesticides, ni pour les populations riveraines des exploitations ni pour la population générale. »
De même, dans leur tentative d’estimer les coûts environnementaux, les chercheurs n’ont pris en compte que les frais attribuables avec certitude aux pesticides, en particulier le surcoût des traitements de potabilisation de l’eau. Ce dernier s’élève à 260 millions d’euros annuels, à quoi les auteurs ajoutent environ 30 millions d’euros liés aux émissions de gaz à effet de serre produits par la fabrication des pesticides utilisés sur le territoire français.
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