Asghar Farhadi - Commentaires
Ces quelques films pour la plupart formidables, d’une grande cohérence formelle et thématique, font espérer beaucoup en l’avenir de ce cinéaste, qui brasse les questions de l’être et de la société, de la morale et du regard, en tirant le meilleur parti d’acteurs toujours très investis et en usant ...
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créee il y a presque 12 ans · modifiée il y a plus de 2 ans
Les Enfants de Belle Ville (2004)
Shahr-e ziba
1 h 38 min. Sortie : 11 juillet 2012 (France). Drame
Film de Asghar Farhadi
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Antérieur à la reconnaissance internationale de Farhadi, ce plaidoyer pour le pardon, qui repose sur des êtres au cœur bon, impose déjà le regard aiguisé et la rectitude d’un auteur en pleine possession de ses moyens. Il lui suffit de quelques esquisses (un surveillant de prison bienveillant), d’une situation forte (l’indécision cornélienne d’un jeune homme tiraillé entre sa promesse et ce qu’il éprouve) et d’un milieu social observé avec attention pour actionner la dynamique de son cinéma, déployer l’arc de ses effets ou dévier de ses axes pour en élargir la portée. Ainsi le dialogue avec un père muré dans sa douleur ricoche vers un dilemme d’ordre sentimental (la naissance d’un amour) et le débat moral se nourrit d’une émotion sourde, sans que jamais la perception du spectateur ne soit prise en otage.
À propos d'Elly (2009)
Darbareye Elly
1 h 59 min. Sortie : 9 septembre 2009 (France). Drame
Film de Asghar Farhadi
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Si l’on retrouve Taraneh Alidousti, la superbe héroïne du précédent film, on y découvre aussi la non moins belle Golshifteh Farahani – figures de proue d’une excellente interprétation chorale. À partir d’une disparition inexpliquée rappelant la schéma de "L’Avventura", le cinéaste met en place, au sein d’un groupe de jeunes gens progressistes, un affrontement socio-psychologique d’une remarquable précision, qui installe une tension permanente et fait émerger toutes les dimensions d’un sujet en forme de catalyseur. La situation de crise lui permet d’éclairer les contradictions d’une société prise entre tradition et modernité, élans libertaires et reflexes dogmatiques, tout en restituant leur complexité à des personnages vibrants, travaillés par des doutes, des incertitudes, des sentiments contradictoires.
Une séparation (2011)
Jodaeiye Nader az Simin
2 h 03 min. Sortie : 8 juin 2011 (France). Drame
Film de Asghar Farhadi
Thaddeus a mis 9/10.
Annotation :
Apogée à ce jour d’une irrésistible montée en puissance, du portrait à la fois global et nuancé que l’auteur dresse de son pays, des forces qui le meuvent, des êtres qui y vivent. Encore une fois, la vigueur narrative de ce cinéma agrippe le spectateur pour ne plus le lâcher : durant deux heures haletantes, ultra-denses, on est stimulé, bousculé, interpellé par les enjeux d’un suspense moral qui élargit la sphère privée à la sphère universelle, mêle l’intime au politique, le religieux au psychologique. Aucun jugement dans le regard du réalisateur, simplement l’exposé rigoureux de faits complexes, et la détermination à ne rien céder à la facilité et au schématisme. Cinéaste du dilemme, de la conscience, de la contradiction, Farhadi actualise le précepte renoirien de la raison personnelle, et perpétue à travers lui un humanisme éclairé.
Top 10 Année 2011 : http://lc.cx/qET
Le Passé (2013)
2 h 10 min. Sortie : 17 mai 2013. Drame
Film de Asghar Farhadi
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Muette, la scène d’ouverture figure le passage de témoin avec une élégante éloquence : pour Farhadi, la barrière de la langue n’entame en rien la justesse d’analyse et d’observation, la dramaturgie pointilleuse qui ne serait rien si elle ne se mettait au service de tout autre chose. C’est bien le passé qui pèse le long du drame, et son dévoilement progressif par une multitude de secrets conditionnant la culpabilité et l’impuissance, la responsabilité et le pardon. Peu importe que la dernière partie soit un peu chargée en retournements lorsqu’une telle latitude est accordée aux sentiments : mine butée d’un garçon perdu entre deux familles, triste malentendu qui empoisonne les relations, douceur magnifique de l’ex-époux devenu médiateur, en qui se fixe notre désir à tous de bienveillance et de compassion.
Top 10 Année 2013 : http://lc.cx/SHt
Le Client (2016)
Forushande
1 h 50 min. Sortie : 9 novembre 2016 (France). Drame, Thriller
Film de Asghar Farhadi
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Le cinéaste découpe son nouveau drame intime dans le même patron (un réseau de valeurs sociales confronté à l’espace domestique) et y puise des problématiques qu’il articule une fois de plus à la façon d’un thriller. Si sa faculté à conduire un récit tendu, à jongler avec les tenants et les aboutissants d’une intrigue quasi pirandellienne, à faire vivre des personnages forts et crédibles ne souffre d’aucun reproche, un problème se pose en revanche quant à la portée émotionnelle de son propos – d’autant qu’il y adjoint un dispensable décentrage métaphorique (l’écho de la scène théâtrale). En poussant le curseur de l’âpreté, il dévitalise quelque peu une approche qui, pour la première fois sans doute, captive sans vraiment toucher. Mais ce bémol ne saurait faire ombrage à son talent et à son statut actuel.
Everybody Knows (2018)
Todos lo saben
2 h 13 min. Sortie : 9 mai 2018 (France). Policier, Drame, Thriller
Film de Asghar Farhadi
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Par sa tentation vite désamorcée du pittoresque, le film ne semble souscrire aux signes superficiels de la chronique ibérique que pour prendre rapidement la tangente et creuser un registre que le cinéaste maîtrise à la perfection : le suspense hitchcockien. Il serait démasqué comme un ingénieux dispositif dramaturgique, dispensant chausse-trappes, révélations et coups de cymbale narratifs, s’il n’analysait avec acuité le poison latent de la dette non soldée, des rancœurs enfouies qui, en situation de crise, inocule la chair des relations les plus solides. Et s’il oblige le spectateur à réviser ses jugements confortables, il n’en exalte pas moins une humanité malmenée qu’une empathie universelle pousse irréductiblement à la grandeur. Menée par un couple de stars très investi, l’interprétation est au diapason.
Un héros (2021)
Ghahreman
2 h 07 min. Sortie : 15 décembre 2021 (France). Drame, Thriller
Film de Asghar Farhadi
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Dès la première séquence, qui préfigure avec netteté ce qui va suivre (ascension et descente, rédemption impossible), le film dispose les éléments d’un emballement kafkaïen conspirant à la détresse des hommes et des femmes. Débiteur ou créancier, geôlier ou détenu, héros ou paria : chacun est soumis au même regard clair d’un cinéaste pour qui tout jugement est une solution de facilité. De l’examen de la solidarité familiale à l’honnêteté foncière des êtres, du rapport ambigu à l’image à l’enfance comme première confrontation à la dureté du monde, tout concourt à un réalisme éclairé de bienveillance et pénétré d’intelligence. Quant au rapport de synergie entre l’intensité dramatique du récit, la richesse de la matière morale et le discernement de l’analyse sociale, il atteste d’un haut niveau d’achèvement.