Ryûsuke Hamaguchi - Commentaires

Annotation :

Ce sont quatre amies ayant en commun une insatisfaction à fleur de peau. Elles se retrouvent pour comparer ce qui ne va pas dans leurs vies respectives, se battent pour être comprises, remarquées, aimées, jusqu’à menacer l’équilibre de leur cocon familial. Une série de glissements et de recompositions les entraîne sur la voie de l’introspection, remet en cause quelques fondements de leurs existences hébétées, suscite des doutes sur la légitimité de leurs mariages, questionne leur rapport au monde, aux autres et à elles-mêmes. Et la mise en scène, épurée mais sans sécheresse, précise mais sans surplomb, impavide mais sans mollesse, capte avec attention leur étoffe humaine, la tectonique des sentiments qui les anime, le poids des structures sociales qui les enserrent. Une œuvre aussi subtile qu’ambitieuse.

Annotation :

Cf ci-dessus.

Annotation :

Cf ci-dessus.

Annotation :

Comparée à "Senses", cette exploration du sentiment amoureux est une œuvre plus en demi-teinte, moins immédiatement imposante, mais tout aussi précise et romanesque, sensible et délicate. Travaillée par tout un système d’échos et de variations, elle scrute avec empathie les évolutions intérieures de ses protagonistes, progresse selon un principe elliptique qui propulse ceux-ci dans une perspective de temps étendue, recueille leurs gestes, regards et attitudes comme une collection affective à mesure que l’intensité de la jeunesse s’estompe dans le calme de la vie active et du confort économique. Et derrière la légèreté languissante de la chronique quotidienne pointe cette idée proustienne que le premier amour dépose en chacun une trace indépassable après laquelle on ne cesse plus jamais de courir.

Annotation :

Si, par leur nature fragmentaire et papillonnante, les films à sketchs souffrent souvent d’incohérence et accusent l’inégalité de leurs segments, celui-ci propose des histoires à la fois simples et sophistiquées qui cultivent l’inconnu, ouvrent des horizons inattendus au détour de chaque scène et de chaque dialogue. Le langage (tel que structuré par l’inconscient) y prend la direction du récit, apparaît comme la mise en forme du désir, et le pouvoir performatif de la parole s’y substitue aux actes qui se révèlent plus ou moins drôlement ou tragiquement manqués. Derrière le minimalisme des tête-à-tête, leur précision feutrée (premier conte) et leur perversité tranquille (deuxième conte), il y a aussi une sérénité et une magie blanche (troisième conte) qui rend heureux à la seconde où l’on en ressent l’étreinte.

Annotation :

Avec la même hyper-acuité gracieuse, Hamaguchi décrit l’éclat pâle de la mer intérieure de Seto et les secrets enfouis sous la boue d’Hiroshima, l’histoire d’une cicatrice et une idylle en langue des signes, les faux-semblants entre le jeu et la vie réelle, les jaillissements de l’inspiration et les plus beaux dialogues automobiles depuis Kiarostami. La limpidité de sa mise en scène magnifie un propos hanté par le double spectre du désir et de la perte, qui ne cesse d’ajouter des couches d’expérience et de témoignage au fil du parcours du héros. Et la tension entre l’art du verbe et les plages d’introspection fait naître un singulier vertige : par l’étendue océanique des thèmes embrassés, le film invite à prendre une prendre une place active dans la réception des images, qui arrivent comme autant d’énigmes à déchiffrer.
Top 10 Année 2021 : https://urlz.fr/jRsu