29 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.314

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00313

Texte de la décision

SOC.

HA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 mars 2023




Cassation


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 313 F-D

Pourvoi n° Z 21-25.314

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [N].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 octobre 2021



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MARS 2023

M. [J] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-25.314 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sarrazin, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ au syndicat Union départementale CGT des Deux-Sèvres, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 8 février 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 19 novembre 2020), M. [N] a été engagé en qualité de conducteur par la société Sarrazin le 28 novembre 2015.

2. L'employeur a notifié au salarié son licenciement le 8 mars 2017.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 31 juillet 2017 aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur.

Examen du moyen

énoncé du moyen

4.Le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter ses demandes de rappel d'heures supplémentaires impayées, outre les congés payés afférents, au titre de la contrepartie obligatoire en repos et de le condamner à rembourser la provision accordée en référé, alors « qu'il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant au nombre d'heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de paiement d'heures supplémentaires en ce qu'il ne fournissait pas d'éléments fiables de nature « à étayer ses prétentions » ni donc à inverser la charge de la preuve et à exiger de l'employeur qu'il établisse les temps de travail effectif du salarié, après avoir pourtant rappelé qu'il avait versé aux débats un tableau dactylographié mentionnant, pour la période ayant couru du 7 décembre 2015 au 15 janvier 2017, semaine par semaine, un nombre d'heures de travail, un nombre d'heures de travail supplémentaires majorées à 25 %, un nombre d'heures de travail supplémentaires majorées à 50 %, un montant de rappel de salaire, le total du montant des salaires y étant porté pour la somme de 6 107,50 euros, les documents mensuels annexés au bulletin de salaire prévus par l'article D. 3312-24 du code des transports édités par l'employeur et relatifs à l'activité du salarié au cours de la période ayant couru du 1er décembre 2015 au 17 février 2017, exception faite des mois de juillet et août 2016, mentionnant, jour par jour de travail, les heures d'embauche et de débauchage, l'amplitude de la journée de travail, le temps de conduite, le temps de travail, le temps de mise à disposition, le temps de service et le temps de travail effectif et des tableaux établis par le salarié mentionnant, semaine par semaine de la période ayant couru du 23 novembre 2015 au 17 février 2017, le nombre d'heures ''dues'' et le nombre d'heures ''payées'' faisant ressortir un nombre d'heures impayées de 460,38 au total, pour 16 dates de la période d'emploi, un décompte qu'il conteste de ses temps de travail effectif incluant ses temps de mise à disposition divisés par deux et, pour 53 dates de la période ayant couru du 10 décembre 2015 au 15 février 2017, l'amplitude de la journée de travail, la fraction du dépassement de l'amplitude réglementaire rémunérée à 75 % et celle rémunérée à 100 %, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail.»

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient qu'il produit un tableau mentionnant pour la période du 7 décembre 2015 au 15 janvier 2017, semaine par semaine, un nombre d'heures de travail et un nombre d'heures de travail supplémentaires majorées, un ensemble de tableaux édités par l'employeur, sous la pièce n°11, relatifs à son activité pour la période du 1er décembre 2015 au 17 février 2017, mentionnant jour par jour, les heures d'embauche et de débauchage, l'amplitude de la journée de travail, les temps de conduite, de travail, de mise à disposition et le temps de travail effectif, plusieurs tableaux et décomptes élaborés par lui-même sur le fondement de cette dernière pièce.

9. Il précise que l'appréciation de ces éléments conduit la cour à considérer que la pièce n° 11 sur la base de laquelle le salarié fait reposer tous ses décomptes et calculs des sommes réclamées n'est pas fiable et ne suffit pas à étayer ses prétentions ni donc à inverser la charge de la preuve et à exiger de l'employeur qu'il établisse le temps de travail effectif du salarié.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS,

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Sarrazin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sarrazin à payer à la SCP Lesourd la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois.

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