Publicité

Légumes : la dépendance de la France aux importations s'aggrave

Près des deux tiers des légumes en conserve et surgelés consommés en France sont importés. Un sérieux accroc à la souveraineté alimentaire.

Le taux d'autosuffisance de la filière des légumes en conserve et surgelés ne dépasse pas 40 %.
Le taux d'autosuffisance de la filière des légumes en conserve et surgelés ne dépasse pas 40 %. (ALLILI MOURAD/SIPA)

Par Dominique Chapuis

Publié le 10 févr. 2023 à 11:03Mis à jour le 10 févr. 2023 à 17:17

Les Français ne mangent pas assez de légumes. Une tendance qui affecte tout particulièrement les surgelés. Et quand ils en mangent, ce sont nos concurrents européens qui en profitent. En 2022, les achats ont ainsi reculé de 7 % pour les légumes en sachet congelés, haricots verts ou épinards. Ceux en boîte ont, en revanche, progressé de 3 %.

Ces dernières années, ces produits proviennent de plus en plus de l'étranger. Un coup dur pour la souveraineté alimentaire tricolore . D'autant que la situation se dégrade à grande vitesse. Le taux d'autosuffisance de la filière, qui occupe un tiers de la surface utile agricole (70.000 hectares), ne dépasse pas 40 %. Pour les surgelés, les importations atteignent un pic de 74 %, au profit de la Belgique, l'Espagne et l'Italie, tandis qu'elles s'élèvent seulement à 43 % pour les conserves. En cause, une meilleure compétitivité de ces pays, et donc des prix moins chers.

Moins de producteurs

Le déficit commercial, qui se creuse depuis une vingtaine d'années, accélère ; le manque à gagner s'est élevé à 260 millions d'euros l'an dernier (contre 58 millions en 2002). « La capacité française à exporter s'est réduite de moitié en volume pour les conserves depuis 2010 et de 14 % pour les surgelés », précise Cyrille Auguste, le président de l'interprofession (Unilet), et DG de Bonduelle Europe.

Publicité

Le changement climatique et la flambée des coûts n'ont pas arrangé les affaires des 4.500 producteurs, ni des industriels (24 sites en France). Pour les haricots verts et les petits pois -80 % des surfaces cultivées -, la sécheresse a provoqué une chute des rendements. Pour les premiers, les récoltes ont reculé de 16 % en 2022, et de 8 % pour les petits pois. « Ce sont des cultures de plein champ, avec un cycle de végétation très court, entre 50 à 60 jours pour les épinards. Quand il y a une vague de chaleur, ils ne peuvent pas résister », précise Jean-Claude Orhan, président du Cénaldi, l'association des producteurs.

Leur qualité a aussi été mise à mal, avec des petits-pois très durs et des haricots avec des grains et des fils, non utilisables. Résultat, les usines ont vu leurs plannings bouleversés, avec des approvisionnements irréguliers, dans un contexte de flambée des coûts (énergie, emballage, transport…). « Il a fallu s'adapter pour produire le jour, la nuit, avec certains jours une saturation des outils, et d'autres un manque, souligne Cyrille Auguste. Le temps de tri a aussi été plus important, pour garantir la qualité, ce qui a mis les outils sous tension. » Certaines usines fabriquent habituellement en trois mois la consommation d'une année.

Objectif : 52 % de transformation en France en 2030

Face à ces aléas climatiques, qui vont se prolonger dans le temps, de plus en plus d'agriculteurs se tournent vers d'autres cultures plus rentables. Les restrictions d'eau, l'interdiction d'utiliser certains pesticides, sans solution de remplacement, ont découragé les troupes. En 2022, 7 % d'entre eux ont jeté l'éponge, selon l'interprofession. Et les surfaces se sont réduites de 3 %. « Ca peut paraître peu, mais c'est un signal fort », estime Jean-Claude Orhan.

La filière estime que désormais sa pérennité est menacée. Une inquiétude partagée par l'Etat qui a demandé au printemps aux professionnels de travailler sur un plan de souveraineté fruits et légumes. Il devrait être présenté par le ministre lors du Salon de l'agriculture. Son objectif, atteindre 52 % de transformation en France en 2030, un niveau équivalent à celui de 2010.

Promotion

« Pour cela, nous allons devoir développer la production de 15 %, soit 200.000 tonnes supplémentaires de légumes transformés, souligne Cécile Le Doaré, directrice générale de l'Unilet. Ce qui implique que les Français en mangent plus. Cela passera par des campagnes d'éducation des enfants, et pas de promotion. » La volonté est d'augmenter la consommation d'une portion par jour, soit 25 grammes pour les légumes en conserve et surgelés. Et ce alors que les prix sont en hausse (entre 4,5 % et 8 %).

Des investissements seront nécessaires pour moderniser les sites industriels, aller vers la décarbonation et faire avancer la R&D. Pour relever le défi, l'interprofession a, de son côté, lancé le plan des légumiers de demain, avec dix engagements comme recourir à des intrants de façon raisonnée, préserver les ressources en eau, garantir la traçabilité… Un moyen de reconquérir l'assiette des Français.

Dominique Chapuis

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

qfkr8v3-O.jpg

La baisse de la natalité est-elle vraiment un problème ?

Publicité