14 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.931

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00693

Texte de la décision

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 juin 2023




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 693 F-D

Pourvoi n° Y 21-19.931




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 JUIN 2023

La société Garage Duchamp, exerçant sous l'enseigne Jean Lain Annemasse, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 21-19.931 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [O] [L], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Garage Duchamp, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Barincou, et Mme Pontonnier , greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 juin 2021), M. [L] a été engagé par la société Garage Duchamp (la société) le 21 juillet 2008 en qualité de chef de groupe véhicules d'occasion.

2. Mis à pied le 17 mai 2013 à titre conservatoire puis licencié pour faute lourde le 28 juin 2013, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches et sur le deuxième moyen


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en ses quatrième à sixième branches

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de requalifier le licenciement pour faute lourde du salarié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la condamner en conséquence à lui payer des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement, au titre des « prétendues absences injustifiées » du 20 au 26 mai 2013 et du 27 mai au 30 juin 2013, outre les congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, ainsi que d'avoir ordonné d'office, par application de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour de l'arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités, alors :

« 4°/ que manque à l'obligation de loyauté à laquelle il est tenu envers son employeur le salarié qui, à l'occasion d'une ou plusieurs ventes qu'il réalise dans l'exercice de ses fonctions, reçoit en sous-main, à l'insu de l'employeur, une somme d'argent versée par le client en plus du prix de vente payé à l'entreprise ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le salarié, dans l'exercice de ses fonctions au sein de la société Garage Duchamp, avait réalisé de nombreuses ventes de véhicules d'occasion auprès de la société dirigée par M. [T], à l'occasion desquelles il avait, à l'insu de son employeur, reçu de M. [T] des sommes d'argent en sous-main, versées en plus des prix de vente payés à la société Garage Duchamp ; qu'en retenant malgré tout que l'existence de malversations ou d'un comportement déloyal de la part de M. [L] n'était pas démontrée et qu'aucune faute du salarié n'était établie, pour en déduire que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 1222-1 et L. 1232-1 du code du travail ;

5°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en complément des aveux faits par le salarié lors de sa garde à vue et de son interrogatoire de première comparution, d'où il résultait que les sommes qu'il avait reçues en sous-main de M. [T] représentaient au total un montant de 20 000 à 30 000 euros sur la période allant de la fin de l'année 2010 jusqu'au 15 juin 2013, l'employeur produisait aux débats, en pièce 27, un procès-verbal de confrontation du 27 avril 2017 citant une conversation téléphonique tenue le 18 mai 2011 entre M. [T] et sa soeur, interceptée par les enquêteurs, au cours de laquelle cette dernière avait évoqué le versement ''au black'' d'une somme de ''8 à 10 000 euros'' par mois au profit de M. [L] ; que l'employeur produisait encore, en pièce 40, le jugement correctionnel du 2 juin 2020 qui, dans ses motifs afférents à la culpabilité de M. [L], se référait à cette ''écoute téléphonique de la soeur de [D] [T], [X], secrétaire de garage, faisant état de versements de 8 000 à 10 000 euros par mois'' ; qu'en affirmant qu'en dehors des aveux qu'avait faits M. [L] avant de se rétracter, l'employeur n'apportait ''aucun élément supplémentaire'' pour justifier de ce que les sommes reçues en sous-main par le salarié avaient atteint un montant global de 20 000 à 30 000 euros, comme mentionné dans la lettre de licenciement, et non uniquement de 8 000 euros, la cour d'appel a dénaturé, par omission, le procès-verbal de confrontation du 27 avril 2017 et le jugement correctionnel du 2 juin 2020, en violation du principe susmentionné ;

6°/ que l'existence d'un préjudice subi par l'employeur n'est pas une condition de la faute lourde, ni a fortiori de la faute grave ou de la faute sérieuse, du salarié ; qu'en relevant que l'employeur ''ne démontr[ait] pour sa part d'aucun préjudice (sic), compte tenu de ce que le montant des prix de vente indiqués par M. [L] étaient conformes (sic) aux usages de la société Garage Duchamp'' la cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier la requalification du licenciement pour faute lourde en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il suit de là que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-9, L. 1235-3, L. 1235-4 et L. 1332-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, après avoir relevé que les ventes avaient été effectuées par le salarié dans le cadre de la procédure interne de commande très stricte qu'il avait parfaitement suivie et que le prix de vente et la marge étaient par ailleurs strictement vérifiés et validés par la direction, a estimé que l'employeur ne démontrait pas l'existence de malversations, ni d'activité concurrentielle, ni même d'un comportement déloyal de la part du salarié, qui n'avait jamais dissimulé à son employeur les poursuites auxquelles il devait faire face.

6. Le moyen, sous couvert de griefs de manque de base légale, violation de la loi et dénaturation, ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des juges du fond de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis à leur examen.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié la somme de 2 000 euros pour délivrance de fin de contrat erronée, alors : « que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que la cour d'appel s'est bornée à énoncer que le salarié pouvait réclamer le paiement ''de dommages et intérêts pour délivrance de documents de fin de contrat erronée (sic) lui ayant causé un préjudice'', ''par rapport à l'inscription à Pôle emploi'' ; qu'en statuant ainsi par voie d'affirmation, sans expliquer en quoi les documents de fin de contrat délivrés par l'employeur étaient erronés, la cour d'appel a méconnu l'exigence de motivation résultant de l'article 455 du code de procédure civile et, partant, a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

9. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a fait ressortir que l'employeur avait remis au salarié des documents de fin de contrat erronés, ce dont il était résulté pour le salarié des conséquences préjudiciables par rapport à son inscription à Pôle emploi.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Garage Duchamp aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Garage Duchamp et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.

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