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EXCLUSIF - Apprentissage : le gouvernement veut économiser près de 800 millions sur les formations

Le conseil d'administration de France compétences, l'instance de régulation pilotée par l'Etat, se réunit ce jeudi. Soucieux d'enclencher la fin du « quoi qu'il en coûte » pour l'apprentissage, l'exécutif veut une baisse de 10 %, en deux étapes, des sommes versées aux centres de formation.

Des apprentis en usinage de l'école de production de Gorge-de-Loup, à Lyon.
Des apprentis en usinage de l'école de production de Gorge-de-Loup, à Lyon. (Stephane Audras/REA)

Par Alain Ruello

Publié le 29 juin 2022 à 17:52Mis à jour le 29 juin 2022 à 18:44

Centres de formation d'apprentis (CFA), grandes écoles, partenaires sociaux : tous auront les yeux braqués sur France compétences ce jeudi, prêts à dégainer les couteaux. Au terme d'une semaine marquée par de nombreux tiraillements entre Matignon, Bercy et le ministère du Travail, l'instance de régulation de la formation professionnelle née de la réforme de 2018 tient un conseil d'administration qui risque de faire des remous. Et pour cause : il marque le début de la fin du « quoi qu'il en coûte » pour l'apprentissage.

Pour rappel, la réforme de 2018 a complètement libéralisé l'apprentissage, jusque-là régi par un fonctionnement administré par les régions. Couplée aux généreuses primes à l'embauche décidées lors de la crise sanitaire et à la forte reprise économique qui a suivi, elle s'est traduite par un engouement sans précédent : fin 2021, on comptait près de 900.000 jeunes en apprentissage, contre un peu moins de 450.000 fin 2018, selon des données brutes du ministère du Travail .

Intenable financièrement

Envers du décor, le choix de faire de cette politique publique un « guichet ouvert » est devenu intenable budgétairement, comme vient de le rappeler la Cour des comptes. L'Etat doit non seulement assumer les primes à l'embauche, mais aussi renflouer France compétences à hauteur de plusieurs milliards : la taxe d'apprentissage payée par les entreprises ne suffit pas pour couvrir les charges des CFA. Le gouvernement ayant décidé de reconduire les primes jusqu'au 31 décembre , c'est sur l'autre versant qu'il a choisi d'agir.

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Rappelant que la loi lui demande de veiller à une convergence des prix (en clair, que le prix d'un CAP de boucher, par exemple, ne varie pas du simple au triple selon le CFA), France compétences a constaté - sur la base des éléments de 2020 - que les coûts observés sont de 20 % inférieurs en moyenne par rapport aux niveaux de prise en charge (aussi appelés coûts-contrats) définis par les branches professionnelles pour les diplômes de leur ressort, peut-on lire dans le projet de délibération du conseil d'administration auquel « Les Echos » ont eu accès.

Scénario en deux étapes

Après avoir changé d'avis deux fois depuis vendredi dernier, le gouvernement a tranché en faveur d'un scénario en deux étapes, « dans l'objectif d'aboutir à une baisse moyenne totale de l'ordre de 10 % » des niveaux de prise en charge, soit près de 800 millions d'euros d'économies environ par rapport au barème actuel. La première baisse, au 1er septembre, évaluée à 5 % en moyenne, doit dégager 400 millions. La seconde est prévue au 1er avril 2023, pour faire le reste du chemin.

Un point important, susceptible d'atténuer les critiques, mérite d'être précisé : la seconde étape est censée se faire sur la base des remontées des comptabilités analytiques des CFA de 2021 aussi, contrairement à la première, qui ne prend en compte que les chiffres de l'année précédente, jugés peu fiables compte tenu du confinement.

Eviter « une logique purement comptable »

Craignant un risque d'assèchement en compétences pour de nombreuses professions de l'alimentation, de la coiffure ou encore de la menuiserie, l'U2P n'a pas attendu pour réagir. « France compétences semble suivre une fausse bonne piste en prévoyant, sur la base d'informations peu fiables et contestables, de réduire fortement, dans certains cas, les montants accordés aux organismes de formation », a critiqué l'organisation patronale.

Dans la même veine, les Chambres de métiers et de l'artisanat appellent le gouvernement à ne pas agir « dans une logique purement comptable », soulignant l'impératif de disposer d'une main-d'oeuvre qualifiée dans un contexte de fortes tensions de recrutement.

Antidatage massif ?

Vexée de ne pas avoir été sondée, la Fédération nationale des directeurs de CFA (Fnadir) réitère son souhait de statu quo pour 2022, plaidant pour un changement en une seule fois le 1er janvier prochain. « Ce serait complètement contre-productif de changer les règles au 1er septembre alors que les CFA ont déjà établi leurs budgets depuis la fin de l'année dernière », souligne son président, Pascal Picault. 

Certains entrevoient déjà la suite : un recours massif à « l'antidatage » par les CFA. En clair, une multiplication des enregistrements de contrats d'apprentissage les dix derniers jours d'août, pour ne pas subir la baisse des prises en charge.

Alain Ruello

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