« Joseph Paul-Boncour (1873-1972) » , de Matthieu Boisdron, Sorbonne Université Presses, 514 p., 28 €.
Né sous la présidence du maréchal de Mac-Mahon en 1873 et mort sous celle de Georges Pompidou en 1972, le député et ministre de la IIIe République Joseph Paul-Boncour a littéralement traversé un siècle d’histoire de la France. Son empreinte paraît cependant plus faible qu’elle n’aurait pu l’être.
Ce socialiste non marxiste n’a pas réussi à influencer la ligne de la SFIO, qu’il quitte au début des années 1930. Ce spécialiste des affaires étrangères, plusieurs fois à la tête du Quai d’Orsay dans ces mêmes années 1930, met du temps à comprendre le danger hitlérien, et ne parvient pas à le juguler. Ce parlementaire, l’un des quatre-vingts à ne pas avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, ne prend pas la parole en ce jour fatidique du 10 juillet, puis se tient en retrait sous l’Occupation et ne réussit jamais véritablement à revenir sur le devant de la scène après la Libération. Son parcours, toujours empreint d’une forme de prudence et d’une propension au juridisme, possède quelque chose d’inachevé, presque d’ennuyeux, dont il était difficile de faire la matière d’une biographie.
Matthieu Boisdron retourne en partie cette difficulté en assumant le paradoxe d’une présence à la fois durable, non dénuée d’originalité et d’imagination, mais peu tranchante en définitive. « Paul-Boncour compte. Pour autant, il compte avec d’autres et il compte parmi d’autres », écrit-il. Dès lors, son ouvrage offre une plongée instructive dans la France des années 1870-1940, au temps de « la plus longue des Républiques ».
On suit, dans les années 1890 et 1900, l’ascension professionnelle puis politique de cet avocat issu d’une bourgeoisie provinciale conservatrice, qui cependant penche à gauche, d’abord du côté du radicalisme puis du socialisme. On le voit prendre des responsabilités à la Chambre puis au ministère du travail, tout juste créé en 1906, comme directeur de cabinet de René Viviani, puis comme ministre lui-même, deux courts mois de 1911.
Une figure de la SDN
Il relève alors de ce que le sociologue et historien Christian Topalov a désigné sous l’expression de « nébuleuse réformatrice », cet ensemble informel d’hommes politiques et d’administrateurs qui cherchent à penser de nouveaux rapports de travail dans la société industrielle. Paul-Boncour fait partie de l’équipe d’avocats qui tentent de faire condamner après-guerre l’assassin de Jean Jaurès, sans succès, et lance un journal, Floréal, sous-titré « L’hebdomadaire illustré du monde du travail », qui paraît au début des années 1920.
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