Fable de L'Épouvantail

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Perchée sur un poteau lugubre, une menace veillait sur son champ sinistre qui s'étalait au-delà du paysage. En ce soir d'Halloween, elle s'érigeait fièrement à la lueur de la lune, effrayant les enfants en quête de sensations dantesques, créant ainsi des cauchemars dans leur esprits.

Alors qu'une brusque tempête tourmentait les panicules flétris, une bourrasque violente s'insinua entre les branchages dégarnis d'un noyer agonisant, rampant comme une vermine nauséabonde le long de son tronc famélique. Un croassement caverneux s'éleva dans les cieux, suivi d'un hurlement lupin à vous glacer le sang. Des cris jaillirent dans l'obscurité ténébreuse, aussi brefs qu'incongrus, puis le silence s'imposa. La Frayeur parcourut les espaces sauvages, prenant racine dans cet abîme de désespoir et s'acoquinant avec la Terreur. Leur batifolage créa des étincelles de lumière noire qui se rallièrent en un nœud informe.

Elle était là, cette ombre qu'elles avaient désignée comme leur prochain disciple. Oui, le moment était venu. Une nouvelle entité allait être accueillie en leur sein.

~*~

Le néophyte ouvrit ses orbites creuses sur des épis à l'éclat fané. Une odeur fétide imprégnait les lieux, le parfum si délectable de la putréfaction. Quelques grains de maïs émergeaient vaillamment, rapidement fauchés par des prédateurs affamés. Des corbeaux au plumage irisé communiquaient allègrement entre eux, prévenant les uns et les autres du rare festin à portée d'ailes.

Ignorant tout des règles de ce monde, l'esprit embryonnaire laissa la curiosité le gagner et se redressa en chancelant, avide de découvrir ces étranges créatures, si proches et pourtant encore trop lointaines. Son mouvement brusque effraya les freux qui déguerpirent avant de se glisser à travers une marée de nuages brumeux dans une clameur de détresse.

Cette fuite, bien qu'étrange, inspira au novice un sentiment de plaisance au goût exquis. Il observa les lieux de cet autre point de vue, appréciant le paysage délétère qui se déployait jusqu'à l'horizon crépusculaire. Peinant à se mettre debout sur ses jambes de bois fragiles, il fit un pas en avant dans la volonté de parcourir ce nouveau royaume qui l'enveloppait d'une symphonie d'opportunités. Un royaume qu'il dominait par sa seule présence.

Les nuits se succédèrent et le jeune esprit se familiarisa avec cet environnement, apprenant à chaque instant davantage sur lui-même et ses environs. Il écoula ce temps à observer le mouvement monotone des champs de blé, à écouter le gazouillement des oiseaux perchés sur ses épaules et à sentir le parfum de la terre. Son univers était fait de nuances de vert terne et d'or fâde, de la tranquillité des grands espaces. Seuls les jacassements des rapaces venaient troubler ce silence pituiteux. Au-dessus de ses bras de paille, tendus en croix et recouverts d'une chemise de flanelle élimée, un visage sculpté d'un sourire glaçant terrifiait les vautours ayant l'outrecuidance de se poser sur ce qu'il considérait comme son fief. Il gagnait chaque jour en puissance, maîtrisant son être physique et développant sa conscience.

Un jour, alors qu'il parcourait son territoire, repoussant sans cesse l'orée de ce dernier, l'esprit désolé en aborda ses limites. Au-delà des céréales putréfiées, une contrée faite de terre sèche et de marais inquiétants s'étendait. Un lieu où aucune âme ne semblait y vivre... et dans le cas contraire, il les ferait tout simplement fuir. Aussi s'engagea-t-il sur ce sentier sablonneux sans crainte, d'un mouvement assuré.

Alors qu'il s'enfonçait dans cet inconnu, tout lui paraissait différent de ce qu'il avait pu expérimenter jusqu'alors : la matière du sol, l'odeur ambiante, même les bruissements de la nature étaient distincts. Pourtant, il ne ressentait aucune peur et continuait à avancer, agrandissant ainsi ce qu'il considérait comme sien.

Au début, l'intrépide ne rencontra aucune résistance. Le peu de spécimens qu'il croisa battit en retraite à sa vue. Convaincu de sa puissance, il poursuivit son exploration avec assurance. Quand il se retrouva face à une bête féroce, il ne ressentit aucune pression, persuadé de sa suprématie. Alors il s'approcha d'un pas confiant, convaincu que l'horrible créature s'enfuirait aussitôt.

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