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Taxe « lapin », gardes… Le plan de Gabriel Attal pour reconquérir 15 millions de créneaux chez les médecins généralistes

Formation, taxe, révision du système de garde… Gabriel Attal avait annoncé vouloir « aller plus vite et plus fort ». Il a voulu le prouver, lors d’une rencontre exclusive avec la presse quotidienne régionale, ce samedi matin à Matignon. Le Premier ministre part à la reconquête de dizaines de millions de rendez-vous chez les généralistes.
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11 % des Français sans médecin traitant. 30 % de la population qui vit dans un désert médical. Et une démographie des généralistes en baisse depuis 2017. Les signaux d’alarme se multiplient et remettent en cause le modèle français que le monde nous enviait. Le Premier ministre doit en convenir : « La réalité, c’est que les Français doutent, ils renoncent aux soins à cause du manque de médecins ou de rendez-vous. »

« Nous devons aller plus vite et plus fort, nous le devons à nos soignants ! » déclarait Gabriel Attal lors de sa déclaration de politique générale, fin janvier. Aujourd’hui, il veut aller chercher les « créneaux chez les généralistes un par un », tape le locataire de Matignon, lors d’une rencontre exclusive ce samedi matin avec la presse quotidienne régionale. « Je ne suis pas de ceux qui croient que tout est foutu, qu’on peut baisser les bras ou attendre cinq ou dix ans pour avoir des résultats », plastronne-t-il. Les moyens ? Les voici.

Former jusqu’à 16 000 nouveaux médecins en 2027

Avec la suppression du numerus clausus, le gouvernement est d’ores et déjà passé de 8 150 places en médecine à l’université en 2017 à 10 000 en 2023. « On va augmenter encore pour les porter à 12 000 en 2025 et 16 000 en 2027 », annonce le Premier ministre, qui admet que cette ambition va réclamer une nouvelle trajectoire financière aux universités pour pousser les murs et payer des enseignants supplémentaires.

Gabriel Attal veut aussi avancer sur l’embauche de médecins étrangers. 2 700 professionnels vont rejoindre les hôpitaux cette année. « C’est une chance pour notre pays d’être aussi attractif », se félicite le Premier ministre qui veut « continuer à leur faciliter les choses ».

Un « émissaire » doit toujours être désigné d’ici l’été pour convaincre les Français partis étudier à l’étranger. « Souvent, ils vont en Suisse ou en Allemagne. Je veux les faire revenir », ambitionne-t-il. Comment ? Il faudra encore patienter pour le savoir.

Seize nouvelles procédures « du quotidien » libérées du généraliste

Certaines mesures étaient bloquées dans les tuyaux depuis des années, Gabriel Attal veut mettre de la pression dans le tube, quitte à brusquer. Avec la même logique qui a prévalu pour permettre aux pharmaciens de vacciner contre le Covid, seize nouvelles procédures médicales « du quotidien » pourront se passer d’un rendez-vous chez le médecin généraliste. La mesure sera généralisée en juin partout en France.

Le Premier ministre cite plusieurs exemples : les pharmaciens pourront prescrire les antibiotiques pour des angines ou des cystites. « C’est neuf millions de consultations », rappelle-t-il. Les opticiens, de la même manière, pourront faire une petite correction sur les lunettes (de l’ordre de 0,25 dioptrie) sans avoir à en passer par un ophtalmologiste. Enfin, Gabriel Attal veut qu’un accès direct chez le kiné soit toujours possible, et non pour seulement quelques cas très encadrés aujourd’hui. La mesure sera expérimentée dans 13 départements (un par région) dès juin.

Matignon veut aussi s’appuyer sur les assistants médicaux pour redonner du temps aux généralistes. 6 000 en janvier, les assistants, pronostique-t-il, atteindront les 10 000 en fin d’année. « Ce qui libérera 2,5 millions de consultations », assure-t-il.

« L’objectif est clair : simplifier la vie des Français et gagner le plus vite possible des dizaines de millions de rendez-vous chez les médecins »

Retour du rendez-vous direct chez le spécialiste

C’est une remise en cause de la logique qui prévalait depuis quelques années. Gabriel Attal considère que le rendez-vous préalable chez le généraliste, avant de voir un spécialiste, « embolise » le système. Il veut dès lors expérimenter dans un département par région l’accès direct aux spécialistes, à partir de janvier 2025 (la liste sera précisée là encore en juin). Les départements choisis seraient ceux qui sont les moins dotés en généralistes. « L’objectif est clair : simplifier la vie des Français et gagner le plus vite possible des dizaines de millions de rendez-vous chez les médecins », martèle-t-il.

Le système de garde ouvert aux infirmiers, dentistes…

Le gouvernement identifie deux difficultés majeures dans l’accès à la permanence des soins ambulatoires : le créneau du 18h à minuit, et les week-ends. Ce qui cause en partie l’engorgement aux urgences et qui fait que « quatre millions de Français n’ont pas de solution de garde ».

Gabriel Attal fixe comme objectif d’offrir à tous les Français un accès à un médecin de garde à moins de trente minutes de chez lui, y compris les soirs et les week-ends.

Pour ce faire, Matignon mise sur un plan d’urgence avec des aides financières et sur un élargissement, dès cet automne, du système de garde à d’autres professionnels de santé : infirmiers, sages-femmes et dentistes.

Et si tout cela ne suffisait pas, « je n’hésiterai pas à réintroduire des obligations de gardes », tape Gabriel Attal.

Une taxe « lapin » à 5€

C’est la mesure qui risque de provoquer le plus de réactions : comme promis fin janvier, Gabriel Attal entend taper au portefeuille les patients qui posent un « lapin » au médecin, sans prévenir. Des millions de consultations sont ainsi perdues. « On ne peut plus se le permettre », estime-t-il.

Dès le 1er janvier 2025, un « mécanisme de responsabilisation » sera créé. Sur les plateformes de rendez-vous en ligne, une retenue de cinq euros sera opérée sur la carte du patient qui ne s’est pas présenté et qui n’a pas prévenu moins de 24 heures avant. La « sanction » sera à la main du soignant, puisque c’est à lui que reviendra la mission de le signaler… et les 5€.

Pour les consultations enregistrées auprès du médecin directement, une possibilité sera ouverte pour le professionnel de demander une empreinte de carte bancaire. Une disposition qui doit néanmoins faire l’objet d’une évolution législative. Mais, face à la levée de boucliers probable que la mesure va susciter, Gabriel Attal reste ferme : « C’est un enjeu de droits et de devoirs. »

Le dispositif « Mon soutien psy » révisé

« Je décrète l’état d’urgence pour la santé mentale des jeunes », déclare le Premier ministre, qui avait fait de ce sujet la « grande cause » de son gouvernement.

« Le ministre de la Santé va travailler sur une stratégie d’ampleur dans les prochains mois », annonce-t-il. Mais sans attendre, il veut réviser le dispositif « Mon soutien psy » en vigueur depuis 2022. « Ça n’a pas fonctionné, il faut avoir le courage de le reconnaître », admet-il. Trop complexe, pas assez rémunéré (30€), c’est un flop.

Dès juin, il ne sera plus nécessaire de passer par son médecin traitant avant de consulter un psychologue. Et la séance sera revalorisée à 50€, pour inciter les spécialistes à adhérer au dispositif.

Enfin, le gouvernement souhaite que douze séances soient remboursées, contre huit actuellement. « On va imposer aux complémentaires la prise en charge de ces consultations », précise Gabriel Attal.

Faciliter la reprise d’études des infirmières

Permettre à une infirmière anesthésiste de rentrer directement en 3e ou 4e année de médecine, « on y travaille », assure Gabriel Attal. Le Premier ministre plaide pour offrir une meilleure garantie de rémunération aux infirmiers et infirmières qui reprendraient leurs études. « Si on pouvait avoir une garantie de 85 % de rémunération maintenue (…), ce serait une bonne piste », juge-t-il. L’enjeu plus large est de permettre à ces soignants libéraux de prendre une place plus importante dans le système, et notamment dans le dispositif de permanence de soins ambulatoires. « Ça peut être mis en œuvre l’année prochaine », assure Gabriel Attal.

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